Shinkansen – La grande vitesse au Japon

Grandes lignes • Japon • Grande vitesse • Shinkansen

Définition succinte: Le Shinkansen (新幹線) est le système de train à grande vitesse exploité au Japon depuis 1964. Ce nom englobe aussi bien l’infrastructure que le matériel roulant. Le Japon fait partie des nations phares de la grande vitesse dans le monde, et sa ligne Tokyo-Osaka est l’une des plus chargée, avec à certains moment un départ quais toutes les 7 minutes.

➤ À retenir : Évolution de la grande vitesse au Japon – Carte du réseau

➤ Voir d’autres opérateurs à grande vitesse similaires : AVE RenfeAvlo RenfeEurostarFrecciarossa TrenitaliaICE Deutsche BahnInOui SNCFIryoLyriaNTV-ItaloOuigo EspañaOuigo SNCFTGV SNCF

En résumé

Shinkansen (新幹線) est un mot qui désigne “nouvelle ligne principale”. Il a fait son entrée dans la culture japonaise en 1939, à l’époque de l’expansionnisme japonais et des projets d’infrastructure qui l’accompagnait. Afin de répondre aux besoins futurs de la nation en matière de transport, la construction d’une ligne à haute vitesse était alors établie comme une nécessité. 

La Seconde Guerre mondiale a évidemment changé la donne et ce n’est que dans les années 1950 que les Chemins de fer nationaux japonais constituèrent un Comité d’enquête sur l’amélioration de la ligne Tokaido, une ligne côtière à l’écartement 1.067mm. En 1958, ses conclusions étaient d’entreprendre la construction d’un chemin de fer à haute vitesse nouveau, financé par le gouvernement et la société d’État, en vue d’absorber l’augmentation du trafic que l’on prévoyait dans la mégalopole Tokyo-Osaka.

Cette ligne de 515km fut effectivement construite, avec l’écartement standard UIC 1.435mm, entre 1959 et octobre 1964, juste à temps pour les Jeux Olympiques. Elle comportait 12 gares, 3.500 ponts (56 km) et 67 tunnels (68 km).

L’extension du réseau fut parsemée d’embûches et se fît pas à pas, le Japon dépassant les 2.000km de lignes nouvelles seulement en 2010. Toutes les rames Shinkansen sont des rames automotrices électriques fonctionnant sous courant 25kV et sont constituées de 8 à 16 voitures indissociables et pour certaines motorisées. Les vitesses sur les différentes lignes s’échelonnent de 240km/h (ligne Tōhoku de Tokyo à Shinjō), à 320km/h (ligne Tōhoku de Tokyo à Shin-Aomori).

Depuis 1964, déjà 7 séries de rames d’une moyenne d’âge de 20 à 30 ans ont été retirées du service, la série 400 n’ayant par exemple circulé qu’entre 1992 et 2010. Actuellement, 9 autres séries sont en circulation sur les réseaux respectifs des cinq sociétés en charge de leur exploitation (voir la carte plus bas).

À l’heure actuelle, les seuls services Shinkansen – classés grande ligne dans le jargon ferroviaire -, transportent près de 370 millions de voyageurs annuellement (le pic de 386 fût atteint en 2018).

Naissance du concept

Le Japon a été le premier pays au monde à construire des lignes ferroviaires dédiées à la grande vitesse. En raison du relief montagneux, il existait déjà un réseau sinueux le long de la côte et à l’intérieur des terres, composé de lignes à voie étroite de 1.067 mm, qui empruntaient généralement des itinéraires indirects et ne pouvaient pas être adaptées à des vitesses plus élevées en raison des limites techniques des lignes à voie étroite. Parmi les personnes qui ont contribué à la construction du premier Shinkansen figurent Hideo Shima, l’ingénieur en chef, et Shinji Sogō, le premier président des Chemins de fer nationaux japonais (JNR), qui a réussi à persuader les hommes politiques de soutenir un projet de train à grande vitesse. Au début des années 60, aucun pays ne possédait de train à grande vitesse.

Très tôt, en décembre 1958, le Japon a approuvé la construction du premier segment de ce qui allait être appelé le Tōkaidō Shinkansen entre Tokyo et Osaka. Les travaux ont commencé en avril 1959, avec l’aide vitale d’un prêt gouvernemental, d’obligations ferroviaires et d’un autre prêt à faible taux d’intérêt de 80 millions de dollars de la Banque mondiale. La ligne à double voie de 515 kilomètres relie Tokyo et Osaka, les deux plus grandes villes de l’archipel. Baptisée “Tokaido”, la ligne utilise un écartement de 1.435 mm et un courant de 25 kV, deux critères considérés comme des normes mondiales par l’UIC. Le Japon adopte cependant un gabarit légèrement plus large que l’Europe, ce qui permet d’avoir des trains un peu plus larges, comme nous le verrons plus loin.

1964 – Démarrage du service

L’ouverture devrait coïncider avec les Jeux olympiques d’été de Tokyo, qui avaient déjà attiré l’attention internationale sur le pays. Le Tōkaidō Shinkansen est effectivement entré en service le 1er octobre 1964, avec les services “Hikari”. En dehors de nombreux essais antérieurs dans diverses configurations dans le monde (France en 1955…), c’était la première fois qu’une ligne était dédiée à la grande vitesse. À l’époque, les trains connus sous le nom de “Hikari” ne roulaient qu’à 220 km/h, ce qui était inférieur aux normes V250 d’aujourd’hui, mais à l’époque bien supérieur à tout autre train dans le monde, faisant du Japon la première nation “à grande vitesse”.

Le tout premier Shinkansen, série 0 (photo ナダテ via wikipedia)
Shinkansen

Le Japon s’est distingué dès 1964 par une approche technique différente. La traction au Japon est répartie sur plusieurs voitures du train alors qu’Alstom et la SNCF ont adopté le concept d’un train encadré par deux motrices. Le Shinkansen série 0 a tous ses essieux moteurs. Il est vrai que les lignes de Shinkansen comportent plus d’arrêts proportionnellement à leur longueur que les lignes à grande vitesse du reste du monde. La plus grande largeur des trains japonais permet d’aligner les sièges dans une configuration 2+3 en deuxième classe (appelée “Standard”). La première classe (appelée “Green Class”) adopte la configuration 2+2. Cette configuration japonaise sera répétée sur toutes les séries suivantes et fera du Shinkansen un train de grande capacité. Cette disposition des sièges est une véritable révélation pour les passagers européens, habitués à n’avoir que 2+1 en première classe et 2+2 en seconde classe.

Les années 1970 ont été une période difficile pour la Japan National Railway (JNR), les lignes locales accusant des déficits et accaparant une grande partie des bénéfices du Tokaido Shinkansen. Cette situation a conduit à un manque de développement et de recherche pour accélérer le service sur une période de 15 ans. Malgré la situation financière difficile des années 1970, le prêt accordé par la Banque mondiale en 1959 a été remboursé en 1981.

Ce n’est qu’en 1982 qu’apparaît la série ” 200 “, qui ressemble aux trains de la série 0 de conception antérieure, mais qui est plus légère et plus puissante. On peut dire que ce n’est pas très innovant alors que la France a lancé son propre train à grande vitesse très médiatisé en 1981, prenant la tête de l’Europe et du monde.

La série 100 arrive curieusement après la série 200 en 1985 et n’offre qu’une légère augmentation de la vitesse, 230km/h. La série arrive dans un vaste mouvement de privatisation des JNR, divisées en 7 entités distinctes, en 1987. A partir de là, chaque compagnie veut rivaliser en technologie et le Japon commence à construire des trains de plus en plus performants, avec des modifications du nez de plus en plus prononcées.

Entre-temps, le réseau de 1.435 mm avait doublé en 1975 avec la ligne Osaka et Hakata (513 km), donnant au Japon un réseau de 1.000 km juste avant d’entrer dans les années 1980. La ligne Ōmiya-Niigata a ajouté 269 km au réseau, mais il faudra attendre 2010 avec la ligne Tokyo-Shin-Aomori pour dépasser les 2.000 km de lignes à grande vitesse.

1987 – Privatisation des JNR

Créée en tant qu’entreprise publique en 1949, JNR (Japan National Railways) a été rentable et a continuué d’être dominant dans le secteur des transports jusqu’aux années 1950. Cependant, la concurrence des autres modes de transport s’est intensifiée et JNR a perdu son avantage concurrentiel. Elle devait également supporter la charge des coûts de construction des nouvelles lignes prévues par le Comité. JNR enregistra un déficit dès 1964, et ce déficit annuel se poursuivit pendant de nombreuses années. En 1987, les dettes finirent par atteindre près de 37,1 trillions de yens (soit environ ¥46.33 trillions en 2023 – 297 milliards €), ce qui était à peu près équivalent aux dettes nationales combinées de plusieurs pays en voie de développement.

Outre les difficultés financières, JNR faisait également l’objet de vives critiques de la part de l’opinion publique en raison d’une gestion inefficace. La privatisation de l’organisation fût donc été envisagée comme un moyen de résoudre les problèmes perçus comme imputables à son statut d’entreprise publique, et l’option d’une division de JNR en plusieurs sociétés fut mise sur la table pour résoudre les problèmes imputables à la nature monolithique à l’échelle nationale.

En avril 1987, les Chemins de fer nationaux japonais (JNR) furent divisés en sept sociétés : une seule pour les marchandises et six pour le transport de voyageurs, dénommés JR. Il s’agissait du premier cas de réforme d’un chemin de fer national appartenant à l’État dans l’histoire moderne, mis en œuvre avant des réformes similaires dans d’autres pays. Malgré de grandes interrogations en Europe, ce projet est considéré comme une réforme réussie d’une entreprise publique dans un pays occidental.

Sur les six nouvelles sociétés verticalement intégrées, seule JR Shikoku ne gère pas de Shinkansen. Les cinq autres sont mentionnées sur la carte ci-dessous :



Shinkansen

Depuis 1987, le modèle ferroviaire japonais prospère grâce à un système de planification qui encourage la construction de développements commerciaux et de logements le long de la voie ferrée. The Economist explique que JR East est propriétaire des terrains autour des voies ferrées et les loue ; près d’un tiers de ses revenus provient des centres commerciaux, des immeubles de bureaux, des appartements, etc. Cet argent est réinvesti dans le réseau. Les revenus peuvent être élevés. Avant la pandémie, la fréquentation quotidienne du shinkansen était d’environ 460 000 personnes. Il y a sept départs de shinkansen toutes les heures vers l’ouest, de Tokyo à Shin-Osaka.

Le réseau a ensuite continué à se développer et plusieurs séries de nouveaux trains sont apparues. Les séries N700-7000/8000 en service depuis mars 2011 sur les services Mizuho et Sakura ont une vitesse maximale de 300 km/h (185 mph). Actuellement, le dernier né est la série E8 commandée par JR East et qui devrait en principe être en service d’ici 2024. En considérant la définition d’une ligne à grande vitesse (lignes nouvelles ou améliorées à 250km/h), le Japon obtiendrait la cinquième place mondiale en kilomètres de réseau à grande vitesse, 2.730 kilomètres.

Le service

La fréquentation augmentant rapidement, JNR proposa en octobre 1980 cinq Hikari et cinq Kodama par heure et par direction entre Tokyo et Osaka, soit dix trains par heure. En mars 1993, JR Central, qui a repris ce service suite à la privatisation, introduisait un nouveau type de train dénommé “Nozomi”, qui ne fait escale que dans les gares de l’agglomération de Tokyo (Tokyo Central, Shinagawa et Shin Yokohama), de Nagoya, de Kyoto et d’Osaka. Depuis mars 2014, le nombre de trains Nozomi a augmenté à 10 trains par heure et par direction pendant les heures de pointe. Cela a entamé la desserte par Hikari et Kodama qui est tombée à 2 trains par heure, les Nozomi devenant prioritaires dans le graphique horaire. L’extrait horaire ci-dessous nous montre cependant en heure de pointe un départ qui oscille entre toutes les 3 à 10 minutes, ce qui est un record mondial. Les Nozomi sont généralement des rames de série 700 qui parcourent la ligne à 285km/h et couvrent les 515km de trajet en 2h33 (K = Kodama, H = Hikari, N = Nozomi)



Le Shinkansen a un bilan remarquable en matière de sécurité. Il fonctionne depuis plus de 20.000 jours, sans qu’aucun passager ne soit blessé. Cela témoigne de l’attention sans compromis portée à la qualité dans le développement de la technologie et des efforts importants déployés pour la sécurité de l’exploitation par tout le personnel concerné, des opérateurs de train aux ingénieurs qui entretiennent les trains, les voies et les autres équipements. La fourniture d’un service ferroviaire rapide et ponctuel ne permet pas seulement de vendre plus de sièges, mais aussi d’attirer plus de clients vers les autres services que les chemins de fer offrent également.

Un Texan vivant au Japon, professeur à l’université de Fukuoka, déclarait sur Quora : “Pas de files d’attente pour la sécurité. Pas besoin d’arriver tôt – vous pouvez sauter dans le train dix secondes avant que les portes ne se ferment ! Pas d’inquiétude si vous ratez votre train, vous prenez le prochain qui arrive dans une dizaine de minutes et vous vous installez sur un siège non réservé. Ce n’est pas grave. Vous pouvez également prendre un train plus tôt que celui pour lequel vous avez acheté votre billet, si vous terminez plus tôt que prévu. On ne se rend pas vraiment compte de la vitesse à laquelle on va, et il n’y a pas d’accélération brutale ou quoi que ce soit d’autre. On a vite l’impression d’être dans la routine. À un moment donné, je suis toujours frappé par le fait que je suis au Japon, dans un train qui roule à des centaines de kilomètres à l’heure, que j’utilise mon téléphone pour coécrire un document avec un ami au Portugal, que je traverse la campagne en passant devant des rizières et des maisons anciennes qui semblent sortir d’une peinture à l’encre datant de 300 ans. C’est tout simplement stupéfiant, vraiment.

Vers zéro retard…
Les chefs de train, les conducteurs et le personnel des gares jouent un rôle important dans l’exploitation sûre et efficace des chemins de fer. Un aspect essentiel de ce rôle est la variété des gestes physiques et des appels vocaux qu’ils effectuent dans l’exercice de leurs fonctions.  Bien que ces gestes et ces appels semblent incongrus aux quidams occidentaux, les mouvements et les ordres oraux sont une méthode de sécurité industrielle innovante au Japon, connu sous le nom de ‘shisa kanko‘ (pointage et appel), un système qui réduit les erreurs sur le lieu de travail jusqu’à 85 %. Il s’agit donc clairement d’une culture de la sécurité et du travail bien fait, dans le respect des règles prescrites.

Le personnel en place à l’arrivée d’un Shinkansen. Il s’apprête à le nettoyer…


La formation stricte et disciplinée du personnel joue un grand rôle. Tous les conducteurs de trains à grande vitesse sont capables d’atteindre leur destination dans les cinq secondes qui suivent l’heure d’arrivée prévue et d’arrêter le train à un mètre près de la position d’arrêt prescrite. Ces trains que ces conducteurs conduisent avec une telle précision ont entre deux et plus de 12 voitures.

La même discipline se répète lorsqu’il faut « retourner » une rame Shinkansen, qui repart en sens inverse. Les trains ne passent que 12 minutes à la gare de Tokyo. Cela comprend deux minutes pour que les passagers débarquent et trois autres pour la montée, ne laissant que sept minutes pour le nettoyage. Une seule personne est en charge d’une voiture d’environ 100 sièges, et toute la voiture doit être rendue impeccablement propre pendant ces sept minutes cruciales. 🟧




[TOP]
Grandes lignes • Japon • Grande vitesse • Shinkansen  Lexique