Grandes lignes • Grande vitesse • Eurostar
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Note : cette page est à usage exclusivement didactique. Elle ne se subsitute pas à la page officielle de l’entreprise exploitante ni du constructeur.
Eurostar International a été créé en 1990 en tant que coopérative entre la SNCF, la SNCB et ce qui s’appelait encore British Rail. Cette dernière, pas encore privatisée, avait spécialement créer une division du nom de European Passenger Services, responsable de la section britannique de l’exploitation d’Eurostar. Les trains Eurostar étaient gérés en coopération par la SNCB, la SNCF et EPS, chacune étant responsable de l’exploitation des services Eurostar sur leur propre territoire.
Une complexité apparût rapidement côté britannique à la suite de leur nouvelle politique ferroviaire. EPS signait le 1er avril 1994 un contrat d’accès aux voies à taux fixe jusqu’au 29 juillet 2052 avec Railtrack, nouveau et malheureux propriétaire du réseau ferré britannique. Lors de la privatisation de British Rail, la propriété d’EPS a été transférée en 1996 à London and Continental Railways (LCR), une société de développement immobilier détenue par le gouvernement du Royaume-Uni. Ce transfert faisait partie du contrat destiné à la construction et l’exploitation par LCR de la ligne à grande vitesse 1 (HS1) entre Londres et le tunnel sous la Manche. La société fut rebaptisée Eurostar (UK) Limited et devait utiliser les revenus d’EUKL pour contribuer au financement du projet HS1.
Opérateur : Eurostar
Filiale / Division : SNCF, SNCB, CDPQ, Hermès
Branche : Transport de voyageurs
Segment commercial : Grande ligne
Transport international : oui
Premiers services : 14 novembre 1994
Type de train : Automotrices
Constructeur(s) : Alstom – Siemens
Traction : en propre
Siteweb officiel : https://www.eurostar.com/fr-fr
Réseaux sociaux :
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Un défi technique
Le service Eurostar n’aurait pas pu avoir lieu sans l’inauguration, en juin 1994, du tunnel sous la Manche, un vieux projet enfin devenu concret. Il a fallu aussi raccorder ce tunnel, côté français, au réseau à grande vitesse à travers les plaines des Hauts de France, Lille et la LN3 vers Paris. Une autre ligne était en construction en Belgique dans le cadre du TGV-Nord européen.
Côté britannique en revanche, il était acquis que pour rejoindre la gare de Londres-Waterloo, les rames Eurostar devaient emprunter la ligne classique Douvres-Londres Waterloo, avec son célèbre captage de courant par troisième rail latéral. Emprunter le réseau britannique non-UIC a obligé à adopter des rames TGV ayant le gabarit britannique un poil plus étroit, ce qui donna la forme si particulière que revêtit les rames TMST CLass 373.
C’est le consortium TMST (groupe TGV Transmanche créé en 1987), qui eut la charge de construire un train que personne n’avait conçu jusque-là. Il n’est pas exagéré de dire que, pour l’époque, l’établissement du service Eurostar en coopération fut un véritable défi technique et commercial, sachant qu’il fallu satisfaire les désideratas des trois entreprises publiques concernées, ce qui ne fût pas le plus facile…
1994 – Démarrage du service
Le 14 novembre 1994, les services Eurostar commençaient à circuler entre Bruxelles-Midi, Paris-Nord et la gare internationale de Waterloo à Londres. Cet ensemble faisait arrêt dan une autre toute nouvelle gare : Lille-Europe. Ces gares disposaient – pour la sécurité du tunnel sous la Manche -, d’un espace dédié où s’opèrent les opérations de douane et le sanning des bagages. Cette disposition est toujours d’actualité de nos jours.
En 1995, Eurostar atteignait une vitesse moyenne de 171,5 km/h de bout en bout entre Paris et Londres, malgré l’emprunt de la voie clasique bucolique à travers le Kent. Le 8 janvier 1996, Eurostar lançait des services à partir d’Ashford International, deuxième gare Eurostar au Royaume-Uni.
Les services s’étoffèrent quelque peu de Londres vers Bruxelles et Paris. En juin 1996, Eurostar commença à desservir Disneyland tout au long de l’année tandis que l’année 1997 voyait l’introduction de services vers les Alpes françaises pendant la saison d’hiver. Dans l’intervalle, la première ligne belge à grande vitesse était ouverte à l’exploitation en décembre 1997 jusqu’à la frontière française, les Eurostar “belges” pouvant alors joindre Bruxelles-Midi à Lille-Europe de bout en bout à 300km/h.
Eurostar avait adopté un premier logo qui se reflétait tant sur les rames que sur les supports rédactionnels et de marketing. Les trois vagues symbolisaient les trois partenaires tandis que la petite étoile amenait sa touche “européenne”, internationale.
Fin septembre 1996, le nouvel horaire comportait déjà 13 allers-retours en semaine, et même 15 les vendredis sur Londres-Paris et 7 allers-retours sur Londres-Bruxelles-Midi. L’objectif très clair d’Eurostar et des opérateurs publics était de combattre l’avion sur deux axes majeurs où l’aviation s’offrait de juteux trafics. Le trajet tournait autour des 3 heures sur Paris-Londres et 3h16 sur Bruxelles-Londres, soit bien dans le périmètre d’attractivité du train par rapport à l’avion.
Les premières statisitques tombaient déjà avec un taux d’occupation de 60% sur Paris-Londres et seulement 40% sur Bruxelles-Londres. La longueur des rames, avec ses 794 places (210 en Première et 584 en seconde), faisait l’objet de quelques craintes face à un trafic que les bureaux d’étude avaient probablement surestimés. Il est à noter que la longueur des rames était une exigence d’Eurotunnel car les rameaux d’interconnexion avec le tunnel de service central sont justement répartis tous les 375m.
Des gares spécifiques
En réalité, plutôt des espaces spécifiques. La sécurité du tunnel sous la Manche et les exigences britanniques plus contraignantes en matière de douane rajoutaient encore davantage de contraintes au projet Eurostar. Cela a eu – et à toujours actuellement -, un impact sur le nombre de gares desservies.
À Paris, la gare du Nord réserva les 4 voies sur les quais n° 3 à 6 au trafic transmanche. À la gare de Bruxelles-Midi, les voies 1 et 2, jadis réservées au trafic des colis et de la poste, furent prolongées vers le sud pour obtenir deux voies longues de 400 mètres réservées au trafic Eurostar. La nouvelle gare de Lille-Europe avait quant à elle d’emblée été conçue à la fois pour la grande vitesse et pour les contraintes douanières de la Grande-Bretagne. À Londres, la première gare choisie fût une construction nouvelle recouvrant 4 voies, et jouxtant la gare existante de Waterloo-Station. Cette gare étaient desservie par le réseau du Kent et était proche des quartiers de Westminster et de la Tamise.
Point commun de ces quatre gares : un espace important devait être réservé pour l’embarquement et les formalités douanières, avec le scanning des bagages. Ces contraintes auront – on le verra plus bas -, des conséquences importantes quant au choix des autres gares que l’on veut desservir.
Mais deux événements s’imposèrent au tournant du XXIème siècle : d’une part les attentats du 11 septembre 2001 à New York, provoquant une onde de choc sur l’économie et la demande de voyages. Mais d’autre part, l’arrivée dans le ciel européen de l’aviation low cost, et singulièrement de Ryanair, qui avait profité de l’excédent d’avion pour en racheter des dizaines à bon marché… et proposer des tarifs jamais connus jusque-là.
Le 28 septembre 2003, les britanniques mettaient en service un premier tronçon de ligne nouvelle appelée CTRL 1 (aujourd’hui HS1), entre la sortie du tunnel à Folkestone et Fawkham Junction dans le nord du Kent, permettant déjà de gagner 21 minutes sur le temps de trajet. La ponctualité d’Eurostar a fluctué d’une année à l’autre, mais resta généralement supérieure à 90 % : au premier trimestre 1999, 89 % des services exploités étaient à l’heure, atteignant au deuxième trimestre le taux de 92 %. Le meilleur record de ponctualité d’Eurostar fut l’année 1997.
Une structure complexe
La structure du management, déclarée de “byzantine” à l’époque, posait semble-t-il plus de problème que de solutions et avait encore gagné en complexité. Les complications d’une entreprise trinationale qui relève en partie du secteur privé au Royaume-Uni et du secteur public en France et en Belgique se sont avérées trop lourdes pour atteindre un certain degré d’efficacité et limiter les pertes. Il y avait deux conseils d’administration, un pour le groupe Eurostar et un pour EUKL (Royaume-Uni), avec des réunions séparées et un certain chevauchement entre les deux conseils d’administration. Si on voulait par exemple une politique différente sur Bruxelles, la SNCF répondait que « ce n’est pas notre affaire », expliquait un cadre britannique.
EUKL, qui gérait Eurostar outre-Manche, était une société entièrement détenue par London & Continental Railway (LCR), société qui construisait Channel tunnel Rail Link, la ligne à grande vitesse du côté britannique. C’est là que tout se complique. LCR était détenue en partie par la SNCF (13%) mais aussi par d’autres actionnaires comme Bechtel et Warburg (22% chacun), sans compter National Express, un exploitant britannique de car et de train, à hauteur de 20%.
L’exploitation d’Eurostar était dirigée par Inter Capital and Regional Rail, détenues en partie par la SNCF (35%), la SNCB (10%), British Airways (10%) et encore National Express (40%). Cette organisation causa de nombreux problèmes entre les divers actionnaires. Par exemple, les actionnaires britanniques voulaient ardemment accroître le nombre de relations avec Paris mais ceci entraînait des surcoûts considérables pour la SNCF et il est ni eu jamais d’accord sur les montants des compensations. La croissance en fut entravée et le nombre de passagers décrus après 2000.
Le français David Azéma, alors à la tête de la coopérative, en était conscient et concocta un plan baptisé “Jupiter” avec l’idée de n’avoir qu’une seule société Eurostar, détenue à 55% par la SNCF et 40% par LCR, les belges étant manifestement appelés à faire de la figuration. En 2003, on ne proposa finalement pas de changements majeurs dans l’organisation de la coopérative et Jupiter fut rangé, sans être jeté. Le britannique Richard Brown pris ensuite les rênes de la coopérative après le départ d’Azéma.
2002 – Vers le sud de la France
Sur une courte période estivale entre le 20 juillet et le 7 septembre 2002, l’Eurostar relia directement Londres à Avignon chaque samedi. L’opérateur des liaisons transmanche à grande vitesse voulait profiter de l’engouement de la Grande-Bretagne pour la Provence et augmenter de 15 à 20 % le nombre de Britanniques attirés par cette destination. Cette liaison se basait sur les chiffres de 2001, où on avait comptabiliser près de 21.000 britanniques qui transitaient à Paris pour rejoindre le sud de la France.
2004 – Les dix ans d’Eurostar
Depuis que Richard Brown a pris ses fonctions de directeur général en août 2002, il a remodelé la direction d’Eurostar. Une restructuration majeure, invisible mais cruciale pour l’entreprise. En 2004, un conseil d’administration unique pour gérer Eurostar a été créé. « Il n’y a désormais qu’une seule équipe de direction. En pratique, cela fait une énorme différence avec une stratégie internationale pour l’ensemble de l’entreprise. Nous pouvons nous appuyer sur nos connaissances, notre expérience et nos idées de manière centralisée, et nous pouvons prendre des décisions plus rapidement et faire plus en même temps » expliquait Richard Brown à Railway Gazette.
Un des problèmes qui fut résolu fut la fin du “nationalisme de la maintenance” : toutes les rames pouvaient être maintenues dans n’importe quel dépôt, quelqu’en soit le détenteur réel. De même, la politique commerciale fut unifiée et coordonnée. Mais le plus important viendra plus tard : avoir une vue unique sur les comptes d’Eurostar…
La bataille avec l’aviation sembla tout doucement être gagnée par l’entreprise. Sur 10 années d’exploitation, près de 60 millions de voyageurs avaient été transportés. À la veille de son 10ème anniversaire, selon les chiffres du CAA d’août 2004, Eurostar détenait une part de marché de 68 % sur la liaison Londres-Paris et de 63 % sur la liaison Londres-Bruxelles. Le train transmanche en était alors à un trafic de plus de 6,5 millions de voyageurs annuels.
Un succès commercial indéniable mais un bilan financier pas encore au stade l’embellie. Selon Rail & Transport, la SNCF avait perdu 78 millions € de l’époque, la SNCB 19 millions et ce qui s’appelait Eurostar UK faisait état d’une perte de 171 millions €. L’ensemble totalisait donc 268 millions € de pertes (soit 381 millions € actualisés en janvier 2024).
En septembre 2007, juste avant l’ouverture complète de la première ligne à grande vitesse britannique HS1, une rame Eurostar battait le record de vitesse en reliant Paris à Londres en 2 h 03 min 39 s et Bruxelles à Londres en 1 h 43 min. Le 6 novembre 2007, la reine Élisabeth II inaugurait la gare de Saint Pancras International. Dans la nuit du 13 au 14 novembre, la gare de Waterloo International était définitivement fermée et le terminus fut transféré à la gare de Londres Saint-Pancras, mettant ainsi Londres à 1 h 20 min de Lille, 1 h 50 min de Bruxelles et 2 h 15 min de Paris.
2010 – Nouvelle entreprise, nouveaux trains et hausse des trafics
2010 fut l’année de restructuration du modèle. Les trois entreprises distinctes responsables de chaque territoire (SNCF, SNCB et LCR) devenaient une entité unique, avec une nouvelle stratégie. Tirant les leçons de l’échec du modèle précédent, la nouvelle société unifiée, dont les parts restaient respectivement de 55 %, 5 % et 40 %, ouvrait la voie à une série de projets ambitieux dans la lutte contre l’aviation, l’entreprise continuant à tirer les leçons positives de ses erreurs passées.
Dans les cartons : une rénovation des rames TMST Class 373 existantes mais aussi l’achat d’une nouvelle série de train offrant 20% de places de places supplémentaires sur 400m de longueur. Ce programme d’investissement de 700 millions £ (soit 961 millions € à l’époque), était financé par un prêt à risque sur 15 ans.
Le 2 décembre 2010, Eurostar annonçait avoir signé avec Siemens pour livrer 10 rames à grande vitesse d’ici 2014, une commande de 600 millions € de l’époque. L’onde de choc et les relents de patriotisme ont rapidement volés depuis Paris. La réaction des autorités françaises fut de protester contre ce résultat, argumentant que le train de Siemens, avec sa motorisation répartie, ne respectait pas les normes de sécurité en vigueur dans le tunnel sous la Manche. Un argument rapidement rejeté.
Il s’agissait bien évidemment d’une protestation de façade, destinée surtout à muscler le discours du patriotisme industriel. Cependant en tant qu’entreprise unique de droit britannique, Londres a voulu montrer qu’Eurostar n’était plus « le jouait unique de la SNCF (et d’Alstom) » et que l’opérateur avait la liberté de choix de ses fournisseurs, malgré « un dossier qui était remonté jusqu’à l’Élysée », époque Sarkozy. La comande fut entérinée, mettant fin à la polémique.
Eurostar enregistrait ses premiers bénéfices d’exploitation en tant qu’entreprise autonome en 2011 (25 millions £), avec des recettes provenant de ses 9,7 millions de passagers dépassant les 800 millions £, selon Eurostar. L’année suivante, les recettes ont plus que doublé, atteignant 52,3 millions de livres, grâce au parrainage des Jeux olympiques de Londres par Eurostar. En 2013, les ventes augmentaient de 7 % et les bénéfices d’exploitation de 4 %. Eurostar dévoila le 5 avril 2011 son second logo. Il avait été crée par l’agence londonienne SomeOne, afin de revisiter la marque Eurostar et de symboliser un nouvel élan avec l’arrivée des nouvelles rames.
Nouvelles rames Siemens e320 UK
Au cours de l’été 2013, les premières rames Siemens entamaient leurs essais pour préparer la livraison. Tout comme le TGV TMST, et afin d’assurer des circulations sûres ainsi qu’une évacuation rapide dans le tunnel sous la Manche, l’Eurostar e320 est une rame longue de 395 mètres, afin qu’une rame puisse déboucher sur deux rameaux de communication (tous les 375 m), bien que ceci ne soit plus obligatoire.
Les plans destinés à la rénovation des 27 rames TMST (+1 en réserve perpétuelle) avaient aussi été changés : seules 14 rames devaient subir une rénovation, sans que l’on sache ce qu’il adviendrait des 14 autres.
Prévues pour 2014, la livraison des rames Siemens pris plus de retard que prévu. Les premières n’entrèrent en service qu’à la fin de 2015. Dans l’intervalle, 7 nouvelles rames e320 étaient en commande pour remplacer 7 rames TMST devenues indisponibles.
Dans le sillage de son redressement, Eurostar commençait à développer son réseau de destinations. Il y avait de quoi être optimiste puisque qu’en 2014, pour les vingt ans d’Eurostar, le cap des 10 millions de voyageurs était tout juste dépassé. Si on peut saluer la performance, les observateurs avisés en coulisses voyait poindre une sorte ligne indépassable si on s’en tenait aux seules destinations Londres, Paris et Bruxelles, dont le marché devenait mature. Aller au-delà de ces destinations devenait un projet central.
Il fut un moment question de Genève, mais ce projet n’eut pas de suite. En mai 2015, une liaison directe Londres-Marseille, qui prenait un peu plus de 6 heures, était exploitée. Elle avait pour but de faire du sud de la France une destination plus viable pour les voyages d’affaires et de loisirs de courte durée, rapprochant ainsi la Grande-Bretagne de la Méditerranée.
Le 23 juin 2016, un référendum est organisé en Grande-Bretagne. 51,89 % des britanniques, essentiellement d’Angleterre et du Pays de Galles, votent pour la sortie de l’Union européenne. L’Écosse vote plutôt le maintien. Un séisme politique et une déconvenue de plus pour Eurostar et le transport en général.
2018 – Destination Amsterdam
Longtemps caressée, la liaison Londres-Amsterdam, deuxième route aérienne d’Europe, devînt réalité lors de l’annonce de février 2018 d’opérer deux allers-retours dès le 4 avril. Mais les deux gares néerlandaises desservies, Rotterdam et Amsterdam, ne disposaient pas de quai sécurisé ni d’espace de contrôle pour les exigences douanières, devenues prégnantes suite à la décision d’opérer la sortie de l’Europe.
Si les passagers voyagaient directement de Londres à Rotterdam et Amsterdam, au retour, ils se voyaient obliger de descendre à Bruxelles-Midi où des contrôles de passeport et des vérifications de sécurité étaient effectués, rendant le trajet moins compétitif. Les gouvernements des deux pays s’étaient engagés à mettre en place cet accord d’ici la fin de l’année 2019 afin que les voyageurs de l’Eurostar puissent bénéficier d’un service direct dans les deux sens.
2019 – projet Greenspeed
Le 27 septembre 2019, les conseils d’administration respectifs de SNCF Mobilités, Eurostar, Thalys et de la SNCB ont été informés d’une proposition de fusion entre Eurostar et Thalys. Baptisé « Greenspeed », le projet de fusion entre Thalys et Eurostar permettrait, selon Les Echos, de rapprocher deux compagnies qui ont une approche commerciale similaire (elles proposent toutes deux trois classes de passagers). Elles ont également des territoires desservis très proches, qui commencent même à empiéter l’un sur l’autre. Le résultat donnerait naissance à une compagnie de 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires (1,1 milliard pour Thalys, 0,5 pour Eurostar) et de 19 millions de voyageurs transportés (11,1 millions d’un côté pour 7,85 millions de l’autre), chiffres de 2019.
Ce projet devait encore avoir l’aval de 6 conseils d’administration avant d’aboutir. Un évènement extérieur mondial vînt retarder le projet…
2020 – Brexit et pandémie…
L’année commença par du négatif. Le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni quittait l’Union européenne, mais pas son marché unique. La période de transition prenait fin au 31 décembre de la mêm année. Le Royaume-Uni et l’Union européenne étaient donc liés par un accord de commerce et de coopération à compter du 1er janvier 2021.
Mais le plus triste de l’année s’annonça à la mi-mars : la plupart des pays d’Europe instaurèrent des restrictions drastiques de déplacements, clouants au sol tous les avions et mettant cars et trains au dépôt. Le printemps 2020 pouvait se résumer à une seule sentence : le grand zéro.
Avec cette crise sanitaire, Eurostar perdit près de 95% de ses clients, frôlant alors la faillite. Le gouvernement britannique refusa fermement de renflouer une entreprise pourtant britannique, invoquant le fait que les actionnaires étaient “étrangers” et – de surcroit -, liés à des gouvernements nationaux à travers la SNCF et la SNCB. Finalement le gouvernement français dû intervenir pour renflouer les caisses.
L’effondrement de la demande contraignit Eurostar à annoncer la fin de son service Disneyland Paris. L’entreprise, à bout de souffle financier, devait prioritairement se concentrer sur les lignes entre Londres, Paris et Bruxelles, qui connaissaient la plus forte demande et des temps de trajet plus courts. En 2021, elle exploitait cinq trains allers-retours quotidiens entre Londres et Paris et deux vers Bruxelles. On mesure la situation si on se souvient des trafics de 2011, 2012…
Eurostar annonça par la suite la reprise des trains directs Londres-Amsterdam pour le 26 octobre 2020. La ligne saisonnière vers Avignon et Marseille était quant à elle suspendue jusqu’en 2022. Depuis le 1er octobre 2021, les voyageurs à destination du Royaume-Uni devaient dorénavant présenter un passeport. Bienvenue dans le nouveau monde…
Le Kent orphelin
Cette restructuration d’ampleur depuis 2019 a fait des victimes, singulièrement britanniques. Arrêtées depuis 2020, les dessertes déjà maigres d’Ebbsfleet et d’Ashford ne paraissaient plus sur la carte des dessertes du nouveau groupe. « Nous pouvons confirmer que les services Eurostar ne s’arrêteront pas aux gares d’Ebbsfleet ou d’Ashford International en 2023, et que nous ne pouvons prendre aucun engagement avant deux à trois ans » expliquait Eurostar Group. Autrement dit aucun salut avant 2026 pour ces gares que le Brexit a de toute manière fortement fragilisé.
2022 – Création d’Eurostar Group
Le refus britannique de renflouer – ainsi que le Brexit devenu effectif -, motiva sans doute la relance du projet Green Speed en faveur cette fois de la création d’une entreprise “non-britannique”, purement continentale. La SNCF, très présente sur le Benelux au sein de Thalys, n’eut pas beaucoup de mal pour imposer ses vues et rapatrier le siège social de Londres. Le 1er mai 2022, Eurostar Group, entreprise de droit belge, était officiellement créée avec comme siège social, Bruxelles.
Cette société holding est détenue par SNCF Voyageurs (55,75 %), la CDPQ (19,31 %), SNCB (18,5 %) et des fonds gérés par Federated Hermes Infrastructure (6,44 %). La société détient 100 % des parts d’Eurostar International Limited (Eurostar) et de THI Factory SA (Thalys).
En octobre 2022, Gwendoline Cazenave prenait ses fonctions de CEO d’Eurostar Group pour succèder à Jacques Damas, CEO d’Eurostar depuis octobre 2020 et CEO de la société holding Eurostar Group depuis sa création. La fusion avec Thalys était alors définitivement lancée.
En octobre 2023 était lancé un nouveau site internet, une application, un système de réservation et un programme de fidélité unique. L’objectif pour Eurostar est d’atteindre les 30 millions de passagers d’ici à 2030, soit le double qu’en 2022, et par la même occasion de rattraper ses importantes pertes dues par le Brexit et le Covid.
Eurostar présentait dans la foulée le troisième logo de son histoire. Le rebranding a été réalisé par l’agence Design Studio avec un nouveau symbole combinant le « e » de « Eurostar » ainsi que l’étoile, pouvant rappeler une rose des vents, pouvant symbolisant la découverte, les possibilités infinies et les directions.