Grande ligne • Nouveaux entrants grande ligne • Allemagne • Flixtrain
➤ À retenir : Évolution de l’entreprise – Matériel roulant – Évolution du trafic – Innovation – Finances
➤ Voir aussi quelques opérateurs similaires : Leo Express – Lumo – MTRX – RegioJet – Snälltåget – WESTbahn
Note : cette page est à usage exclusivement didactique. Elle ne se subsitute pas à la page officielle de l’entreprise.
Sommaire
➤ Flix en bref➤ 2012 – Naissance d el’entreprise
➤ De la start-up à la scale-up, les levées de fonds
➤ Fin des partenariats et refonte de la politique ferroviaire
➤ 2021/2022 – Nouvelle stratégie et nouvelle forme juridique
➤ 2024 : Partenariats, expansion du réseau de train, nouveaux investisseurs
Flixtrain est un nouvel opérateur de transport ferroviaire de passagers sur le segment grande ligne en Allemagne, dont le siège social est à Munich. Flixtrain est une filiale à 100% de FlixMobility GmbH, une société créée en juin 2017 mais qui vient de la reconfiguration de Flixbus, firme de transport par autobus créée en 2013 par Daniel Krauss, Jochen Engert et André Schwämmlein. La firme de bus s’est rapidement imposée comme le premier opérateur de bus longue distance en Allemagne puis en Europe, principalement en utilisant les flottes modernes d’autocars de divers partenaires. À la base, FlixBus est plus un pionnier du numérique qu’un opérateur de bus traditionnel. Techniquement, il s’agit d’une plate-forme numérique qui gère le marketing, la distribution de billets, la planification du réseau, la gestion des revenus et le service client pour les petits opérateurs de bus traditionnels en échange d’une part des revenus générés.
Opérateur :
FlixTrain GmbHFiliale / Division : 100% de Flix SE
Branche : Transport de voyageurs
Segment commercial : Grande ligne
Transport international : non
Premiers services : Août 2017
Type de train : Rames tractées
Constructeur(s) : Matériel varié
Traction : en partenariat
Siteweb officiel : https://www.flixtrain.com/
Réseaux sociaux :
Entreprises similaires : RegioJet – Snälltåget
Flixtrain peut évidemment bénéficier des technologies numériques déjà utilisées par Flixbus pour l”optimisation des horaires et des offres aux passagers. Avec plus de 200 développeurs en son sein, Flixmobility affirme que le cœur de son activité réside dans la technologie et l’analyse des données pour améliorer l’expérience client, grâce notamment à l’apprentissage machine appliqué qui est utilisé pour la planification et la tarification du réseau et se traduit par de meilleurs horaires, des transferts optimisés et des connexions plus axées sur le client. «Cette optimisation de nos données nous permet d’afficher les meilleures options de voyage à nos clients avant de réserver», explique le directeur général Fabian Stenger.
Même si pour le rail, l’optimisation semble bien plus difficile que pour les bus. L’accès aux voies et la disponibilité de sillons attrayants, le manque de matériel roulant adapté et les frais d’infrastructure élevés restent tous des défis majeurs pour les nouveaux entrants. Cela n’a pas empêché Flixmobility de se lancer, avec des partenaires.
En bref
Liaisons ferroviaires Flix
➤ (†) Berlin – Erfurt – Fulda – Francfort – Mannheim – Stuttgart (ex-relation Locomore Leo-Express, août 2017 – 2020)
➤ (†) Cologne – Düsseldorf – Münster – Brême – Hambourg (ex-relation HKG avec BTE, octobre 2017 – 2020)
➤ (†) Suède Stockholm – Göteborg (mai 2021 – février 2024)
➤ FLX10 Berlin – Erfurt – Fulda – Francfort – Mannheim – Stuttgart – Karlsruhe – Freiburg – Bâle/Weil am Rhein
➤ FLX11 Berlin – Stendal – Wolfsburg – Hanovre – Göttingen – Cassel – Francfort – Mainz
➤ FLX20 Cologne – Düsseldorf – Duisburg – Essen – Bochum – Dortmund – Münster – Osnabrück – Brême – Hambourg
➤ FLX30 Aix-la-Chapelle– Cologne – Neuss – Düsseldorf – Duisburg – Dortmund – Hanovre – Stendal – Berlin – Elsterwerda – Dresde
➤ FLX35 Hambourg – Berlin – Leipzig
Matériel roulant (passé et présent)
2017 – 2020
2021 – …
Naissance de l’entreprise
Andre Schwammlein (photo) et Daniel Krauss, deux camarades de classe en Allemagne, sont partis à l’étranger pour des études supérieures dans les années 1980. Après un certain temps, Krauss est revenu à Munich pour travailler chez Microsoft Corporation. Schwammlein est également revenu plus tard et a travaillé comme consultant en stratégie en Allemagne. Un troisième comparse, Jochen Engert, doctorant à l’Otto Beisheim School of Management, Allemagne, avait de l’expérience dans l’organisation de voyages en bus en Europe. Lors de leur visite dans différents pays, Schwammlein et Engert avaient observé que si la plupart des pays européens disposaient depuis longtemps de bus interurbains (autocars longue distance), ce type de service était pratiquement inexistant en Allemagne…
L’idée d’une compagnie de bus est née vers 2011 alors que Jochen Engert et Andre Schwämmlein occupaient des postes de consultant chez Boston Consulting Group. Ils échangèrent de nombreuses idées les uns les autres avec Daniel Krauss, qui travaillait toujours chez Microsoft. Leur idée a mûrit plus tard avec la déréglementation des bus longue distance introduite en Allemagne en 2013, où des entreprises privées étaient dorénvant autorisées à vendre des voyages et à ainsi concurrencer directement la Deutsche Bahn. Au lancement, ils sont loin d’être les seuls car déjà en 2012, le concurrent MeinFernbus obtenait un permis spécial et se lançait dans les bus privés interurbains. Un autre concurrent notable était le CarPostal, une initiative lancée par DHL.
Qu’est-ce qui a permis à FlixBus de devenir le leader absolu du marché européen, malgré une concurrence financièrement puissante et débutante ? Son modèle léger, où la start-up gère la vente et le réseau, mais où l’opérationnel est délégué à des partenaires propriétaires de “vrais” bus. Une opération win-win : peu d’investissements pour Flixmobility (du moins au départ), et des entreprises partenaires qui trouvent du travail toute l’année et un site web unique pour les réservations.
Le business model de Flixtrain diffère fondamentalement de ses autres “collègues” nouveaux entrants. On a affaire ici avec un modèle économique unique, qui combine la technologie numérique avec une entreprise de transport traditionnelle. Contrairement aux entreprises de transport traditionnelles, FlixMobility ne posséde pas de flotte de bus ni de train. La start-up gère simplement la technologie, le marketing, les communications, les ventes, l’informatique, la billetterie, la gestion de la qualité, le service client et la planification du réseau. La responsabilité de posséder des bus, d’embaucher des chauffeurs, d’exploiter et d’entretenir les bus incombe aux entreprises de bus de toute l’Europe, qui sont dès lors partenaires de FlixMobility. Il en fut de même avec les trains, mais ce fut plus difficile. Le coeur de l’entreprise se situe néanmoins dans son secteur digital, qui fait appel à des centaines de développeurs, un métier qui justement attire les jeunes…
Des bus et des trains
L’idée est de faire du train à la manière de Flixbus mais différemment de la Deutsche Bahn, mais avec une différence essentielle par rapport à ses prédécesseurs HKX et Locomore : pas d’actif en propre, et une puissance de feu en marketing et ticketing grâce à l’énorme masse de données provenant des clients Flixbus.
Flixbus se lance alors dans la remise en selle de Locomore, une start-up berlinoise qui fît faillite en mai 2017, et qui s’était lancée dès décembre 2016 sur un aller-retour Berlin-Stuttgart pour concurrencer la Deutsche Bahn. Cette reprise est pour Flixbus un test, avec l’appui technique du privé tchèque Leo-Express. C’est apparemment une réussite qui convainct de créer Flixtrain. « FlixBus va s’appuyer sur sa plate-forme et sa puissance marketing pour conquérir assez de clients et pérenniser ainsi le service Locomore » déclarait André Schwämmlein, l’un des patrons de Flixtrain (photo ci-dessus).
De la start-up à la scale-up
Ce qui était jadis une startup créée en 2011 est devenu aujourd’hui FlixMobility GmbH, siège social à Munich, avec ses marques FlixBus et FlixTrain, établissant le plus grand réseau de bus longue distance d’Europe depuis le début en 2013 et intégrant ses premiers trains longue distance en 2018. Au niveau finances, au début, des business angels et des sociétés de capital-risque participèrent au financement. Les investisseurs actuels sont Silver Lake, (le plus grand investisseur technologique au monde), General Atlantic, Holtzbrinck Ventures et Daimler. En juillet 2019, Flixmobility levait un cycle de financement de série F, codirigé par TCV et Permira avec la participation de l’investisseur de longue date Holtzbrinck Ventures, pour un montant tournant selon les sources autour de 561 millions de dollars.
Pas de start-up sans tour de table pour le financement. On entre dans un autre monde que celui traditionnel des banques. Les levées de fonds supplémentaires portent une lettre. Elles ont pour objectif de soutenir une croissance et une mise à l’échelle encore plus grande. La start-up a démontré certains succès à l’international et passe à une vitesse encore plus grande, sur encore plus de marchés. Les acquisitions potentielles peuvent être nettement plus importantes. Et l’argent levé dépasse les 20 millions d’euros jusqu’à plusieurs centaines de millions d’euros dans les séries D, série E et F. De l’avis des experts, peu de starts-up arrivent aux E ou F…
Schwämmlein et ses amis se sont développés de manière agressive. Et ils ont toujours été clairs : “Nous n’allons pas sur un marché pour devenir deuxième“. En 2019, l’entreprise a déjà transporté 62 millions de passagers dans 36 pays. 95% des parts de marché du transport par bus en Allemagne sont désormais détenues par les Munichois. Ils sont également considérés comme le numéro un à l’échelle européenne.
Mais aussi les réalités du monde de l’entreprise…
Passer de la joyeuse start-up à l’entreprise apporte son lot de surprises. Flixmobility déclarait ainsi que de nombreuses lois allemandes sur la constitution des entreprises ou sur la santé et la sécurité au travail étaient dépassées ou, à tout le moins, inadaptées aux start-up. L’entreprise munichoise a dû ainsi se frotter au salaire minimum et à la difficulté d’embaucher suffisamment de personnel. Et d’ajouter : « Sans de bons contacts en politique, presque rien ne fonctionne – que ce soit à Berlin, à Bruxelles ou même à Washington. »
Quel support de l’État ?
L’État allemand a-t-il confiance dans l’émergence d’un autre chemin de fer ? C’est toute la question. Selon Flixmobility, les sujets innovants ne sont pas encore assez discutés avec des startups en tant qu’experts. Au lieu de cela, on se concentre fortement sur l’opinion des industries traditionnelles, ce qui influe sur la politique des transports. Les jeunes entreprises voient également des défis majeurs avec l’absence de base juridique pour les sujets innovants, de l’influence du lobbying et de l’égalité juridique des secteurs établis. Les entreprises en démarrage qui traitent de sujets très innovants se trouvent souvent dans une situation où il n’y a pas ou presque pas encore de base juridique.
Dans un autre sujet, l’année 2020 a été vécue en Allemagne comme si la politique parlait au singulier, en ce qui concerne le paquet climatique puis les vifs débats concernant la rehausse du plafond de la dette et les milliards de subsides dont devrait bénéficier la Deutsche Bahn. Flixtrain a souvent été virulent avec la grande maison nationale et a porté plusieurs plaintes devant les tribunaux.
Le climat, c’est l’affaire de tous
« Dans le paquet climat récemment adopté par le gouvernement allemand [ndlr : en 2019] avec des subventions massives pour la Deutsche Bahn, nous voyons naturellement cette évolution menacée », déclare André Schwämmlein. Le gouvernement allemand doit veiller à ce que les nombreux milliards soient effectivement investis dans l’expansion du rail afin que tous les concurrents puissent en bénéficier. Une concurrence efficace permettrait non seulement d’augmenter le nombre de voyageurs, mais aussi la qualité du service, ce qui contribuerait à une amélioration durable de la mobilité. Déjà aujourd’hui, tous les trains FlixTrain fonctionnent avec une électricité 100% verte issue de l’éolien et de l’hydroélectricité à partir d’énergie verte, explique Flixmobility.
Si l’entreprise munichoise est considérée comme l’une des entreprises les plus numériques d’Allemagne, elle doit aussi convaincre côté politique. André Schwämmlein est membre des Verts allemands et tient à montrer que l’entreprise ne veut pas seulement être bon marché, mais aussi durable. C’est parfois un défi explique Schwämmlein : “tout le monde nous connait en tant que transporteur marché“. Mais le côté start-up capitaliste ne passe pas toujours très bien chez certains radicaux du parti : “nous devons peut-être expliquer nos objectifs écologiques avec un peu plus de conviction“.
La bataille des portails web
« Bahn.de est la plate-forme d’information centrale pour les clients et est légalement obligé de montrer toutes les options de voyage en train », expliquait André Schwämmlein lors d’une plainte déposée le 31 juillet 2018 devant le tribunal régional de Hambourg. L’objet du litige : sur son portail Bahn.de, la Deutsche Bahn montre bien les prestations des transporteurs régionaux, y compris ceux en concurrence face à DB Regio, tandis que les prestations prix de Flixtrain sont absentes du portail, où l’on ne voit que les horaires, sans autres informations. L’apparition des concurrents de DB Regio sur Bahn.de doit probablement être lié au fait que différents opérateurs, dont DB Regio, sont sous contrat d’une autorité organisatrice. Les opérateurs régionaux sont ainsi considérés comme “partenaires” d’un ensemble géré au niveau d’un Land, ce qui n’est pas le cas de Flixmobility qui agit en open-access sans contrat sous une quelconque autorité. L’obligation légale consiste à interpréter le portail Bahn.de comme un service public ouvert à tous les opérateurs, ce qui est contesté par Deutsche Bahn…
Fin des partenariats et refonte de la politique ferroviaire
La pandémie avait fait mal aux contrats et aux partenariats d’exploitation, notamment sur la responsabilité des uns et des autres en ce qui concerne le risque commercial. La quasi-totalité des quelque 2000 employés ont été mis au chômage partiel. Les cadres supérieurs sont restés à bord et ont renoncé à la moitié de leur salaire. Les entreprises de bus ont été encore plus durement touchées, certaines d’entre elles s’étant effondrées sous le poids des mensualités de leasing de leurs véhicules. C’est là qu’on voit le pourquoi de la stratégie d’asset light.
Lors du confinement du printemps, Leo Express souhaitait poursuivre l’exploitation des Stuttgart-Berlin, ce que ne voulait pas Flixtrain. Entre les deux partenaires, les litiges devinrent nombreux et le FLX 10 Stuttgart-Berlin ne roula jamais. Il fut – et reste -, très difficile de départager les deux opinions sur la cessation du partenariat, mais clairement le risque commercial fut le principal enjeu de cette situation. Leo Express annonçait la fin du partenariat avec Flixtrain en novembre 2020, sécurisant par la même occasion sa licence d’opérateur ferroviaire indépendant.
Sur un autre registre, en décembre 2020, la firme munichoise déposait une plainte devant la Commission européenne contre l’aide fédérale en capital à la Deutsche Bahn. À l’instar d’autres concurrents ferroviaires, Flixmobility craint que les milliards d’aides en capital ne faussent la concurrence et ne poussent même les entreprises à quitter le marché. L’année 2020 ? C’était clairement à oublier…
2021 : la reprise
Les deux pauses corona ont fait débat quant à la capacité des nouveaux entrants à rester sur le marché en cas de problèmes. De son côté, les critiques ont plu sur la Deutsche Bahn qui faisait circuler ses ICE avec à peine 10% de voyageurs à bord, aux frais de l’État. L’entreprise s’en serait bien sortie financièrement à la suite de la pandémie, orchestrait André Schwämmlein. Toutes les zones métropolitaines étaient désormais connectées. « Nous sommes un élément central du redressement du trafic allemand », déclarait le patron de Flixmobility au Spiegel.
En juin 2021, Flixmobility levait 650 millions de dollarsdans un nouveau tour de financement. Cela portait la valorisation de Flixmobility à 3 milliards de dollars. Ce tour de financement consistait en un mélange de capital et de crédit, avec des investisseurs existants tels que Holtzbrinck Ventures, General Atlantic, Permira, TCV, HV Capital, Blackrock et Baillie Gifford. Mais aussi avec le nouvel investisseur Canyon Partners, démontrant que le secteur de capital-risque émet une grande confiance en Flixmobility.
Outre la levée de fonds, Flixtrain changeait aussi son fusil d’épaule quand à la détention d’actifs. C’est ainsi que le loueur Railpool, plutôt orienté sur la leasing de matériel de traction, est devenu un “partenaie financier” de Flixmobility. Railpool a acquis d’anciennes voitures DR à compartiments qui furent converties en voitures coach à grande capacité par la firme Talbot d’Aix-la-Chapelle. Dans le projet FlixTrain, Talbot Services GmbH modernise les voitures du groupe Railpool et, dans le cadre de la location des voitures pendant 15 ans, assume un service complet, y compris la propriété et la responsabilité ECM (entité en charge de la maintenance).
Les mois de mai et juin 2021 furent donc riches en reprise de trafic et offres nouvelles, dont un train toutes les deux heures de Leipzig à Hambourg. Mais cette reprise démarra d’abord en Suède, par la mise en place de la liaison Stockholm-Göteborg, en courrence avec les SJ nationaux et… MTR, un autre entrant. En ce qui concernait l’Allemagne, par rapport à la Deutsche Bahn, l’offre restait encore dérisoire : un total de 9 trains Flixtrain contre 300 ICE de la Deutsche Bahn, pas de quoi renverser le géant national…
À l’automne 2021, Flixmobility annonçait le rachat de l’américain Greyhound, pour 172 millions de dollars, une croûte de pain comparé aux 3,6 milliards déboursés en 2007 par l’ex-propriétaire, le britannique First Group. Ce rachat fut aussi un tournant dans la stratégie de l’entreprise : avec Greyhound, André Schwämmlein se retrouvait avec un charroi d’environ 1300 bus et de quelque 2400 nouveaux collègues.
2022 : changement de stratégie et nouvelle forme juridique
L’année 2022 annonçait aussi de grands changements. Outre le rachat des actifs de Greyhound, Il y eut aussi l’appel à Christoph Debus, alors directeur financier de la compagnie aérienne Condor, pour prendre la tête de la direction des Finances.
Janvier 2022 : le retour des sillons chers pour Flixtrain
Ainsi en avait décidé l’état allemand. Jusqu’au 31 décembre 2021, les opérateurs ferroviaires ne versaient que seulement 1% du montant des péages ferroviaires, pour soutenir le secteur. Mais dès 2022, 57% des prix des sillons originaux furent à nouveau facturés par DB Netz, de sorte que la subvention diminuait de43%. « À partir de juin 2022, la tarification complète s’appliquera à nouveau », tempêtait Flixmobility.
Nouvelle forme juridique
FlixMobility, opératrice des marques FlixBus et FlixTrain, changeait aussi de forme juridique, passant du statut de Gesellschaft mit beschränkter Haftung (GmbH, équivalant allemand de la SARL) à celui de Société Européenne (SE). Cette nouvelle structure devait permettre à l’entreprise d’aborder ses futurs développements avec une dimension européenne réaffirmée au sein de l’UE et dans le monde, et des organes de direction renforcés.
C’était le résultat d’une gestion d’entreprise devenue de plus en plus complexe. Flixmobility ne se définissait plus comme un exploitant classique de bus et de trains, mais comme un développeur et un exploitant de technologies, le cœur de l’activité étant la plateforme par laquelle l’offre est commercialisée. Les bus et les trains restaient exploités par des entreprises partenaires. Mais cela participait à d’autres changements.
Changement de stratégie
La stratégie initiale “Asset Light” de Flixmobility, dans le cadre de laquelle les entreprises gardent les actifs corporels lourds à l’écart de leur bilan, présente de nombreux avantages. D’une part, elle permet une croissance rapide. Les entreprises peuvent consacrer toutes leurs capacités et leurs ressources à la vente et au marketing.
D’autre part, cette approche promet de bons bénéfices une fois le marché conquis. Le meilleur exemple d’une stratégie “Asset Light” réussie est Apple. Le géant de l’informatique ne construit pas lui-même ses appareils, il se concentre sur le développement et la distribution.
Dans les premières années, cette approche a aidé Flixmobility à occuper des marchés importants. En très peu de temps, la jeune entreprise est devenue un monopole sur le marché allemand des bus longue distance – qu’elle a elle-même contribué à créer en même temps. Même l’arrêt des transports pendant la pandémie de grippe A a été surmonté presque sans dommage par Flixmobility grâce à sa stratégie pauvre en valeurs matérielles. “Grâce à notre modèle d’asset-light, nous avons pu réagir très rapidement aux écarts de la demande”, déclarait André Schwämmlein lors d’un point de presse en ligne en 2021.
Toutefois, le modèle ne peut pas être transposé en toute logique au secteur de la mobilité.
Car l’objectif des trois fondateurs est de devenir le leader mondial du marché. Pour aller dans cette direction, le système de sous-traitance est beaucoup trop lent à se mettre en place. C’est pourquoi Flixmobility a acheté Greyhound. Aux Etats-Unis même, mettre en place un réseau complet suffisamment grand uniquement à l’aide de partenaires de bus qui assurent l’exploitation aurait pris de nombreuses années.
L’idée d’acquérir ses propres trains ou bus entre dans cette logique. En tant que plateforme, Flixtrain atteindrait bientôt une taille qui permettra à la direction d’utiliser le nouvel équipement de manière flexible là où il aura le plus d’impact. Même si l’idée de confier l’exploitation des trains à des partenaires externes est bonne, le système comporte un certain risque d’inertie. Une entreprise en pleine croissance ne peut pas se le permettre, alors que les politiques de toute l’Europe veulent renforcer le transport ferroviaire.
C’est pourquoi Flixmobility a par exemple acheté Greyhound aux Etats-Unis même, car mettre en place un réseau complet suffisamment grand uniquement à l’aide de partenaires de bus qui assurent l’exploitation aurait pris de nombreuses années. La même stratégie prévaut pour l’achat de trains comme l’a fait l’entreprise avec Talbot et Railpool en 2021.
Des trains russes ?
En février 2022, la presse allemande révélait l’intention de Flixtrain d’utiliser des trains neufs pour son expansion en Allemagne et en Europe, en ligne avec sa nouvelle stratégie et pour “aller vite”. Un document destiné aux banques et aux investisseurs, nommé “Projekt Magistrale”, évoquait l’achat par des tiers de 28 rames longues et de 37 rames plus courtes, pour un coût d’environ un milliard d’euros. Flixmobility aurait été en négociations avec Tramasholding, le plus grand constructeur russe de locomotives électriques, diesel et de rames voyageurs électriques. Le terme “train à grande vitesse” était évoqué mais personne ne pouvait à l’époque montrer un exemple, sachant l’habitude qu’il y a de qualifier “à grande vitesse” tout ce qui roule au-delà de 200km/h.
Flixmobility n’achèterait pas directement les rames en question. Elle se base sur une acquisition par un tier puis à une location, y compris avec le personnel de bord. Flixmobility suit ainsi sa logique de toujours, même si “le chemin de fer obéit à des règles différentes”, comme le reconnaissait un des trois fondateurs. En fin de compte, Flixtrain se doterait ainsi d’une flotte moderne de trains à grande vitesse afin d’offrir plus de confort aux voyageurs et de pouvoir développer encore plus son propre réseau et ainsi s’étendre à d’autres pays.
Les évènements géopolitques suite à l’invasion de l’Ukraine fin février 2022 ont mis mal cette politique puisque la Russie est désormais soumise à un sérieux embargo commercial qui réduit totalement les exportations.
Cependant, Flixmobility n’abandonnait pas complètement le modèle “asset light” : les trains doivent pouvoir financer des investisseurs externes. Ils n’apparaîssent pas dans le bilan de l’entreprise en tant que valeur réelle. Acheter des trains ne signifie pas nécessairement les exploiter soi-même, mais de le faire via des partenaires.
2023 : Flix fête ses 10 années d’existence
En avril 2023, la SE Flix fêtait ses 10 années d’existence. Pour la première fois, l’entreprise dévoilà des chiffres financiers et de trafic. En 2022, plus de 60 millions de passagers avaient utilisé les bus et les trains de l’entreprise dans 40 pays.
En guise de bilan, Flix explique que son activité est devenue plus intensive en termes de capital. Avec Greyhound par exemple, l’entreprise avait acquis environ 1000 bus. L’expansion de la firme a coûté beaucoup d’argent et a exigé la patience des bailleurs de fonds. Des investisseurs tels que General Atlantic, Permira, TCV, HV Capital, Blackrock, Baillie Gifford et Canyon Partners étaient toujours partie prenante de Flix en 2023. Selon Handelsblatt, les trois fondateurs André Schwämmlein, Jochen Engert et Daniel Krauss détiennaient encore un peu plus de 25% des parts de l’entrerpise.
Le groupe, qui occupait 5.000 salariés en 2023, indiquait avoir bien survécu au covid. “Nos partenaires ont pu réduire leurs coûts car ils ne devaient plus acheter de carburant, bénéficiaient souvent du chômage temporaire et ont pu négocier un report des remboursements de financements,” expliquait André Schwämmlein à Trends-Tendance. “Sur des centaines d’entreprises, ils ont tous tenu bon, hormis deux ou trois faillites pour des causes externes au covid.”
Côté rail, Flix entend se développer davantage mais fait face aux réalités du secteur. “Le rail fait partie du business plan de départ, depuis 2012. La combinaison du train et des bus nous paraît une bonne opportunité” expliquait André Schwämmlein à Trends-Tendance. Mais qui relève tout de même que “pour le train, nous sommes toujours dans une phase de transition. Les grandes frustrations sont le coût souvent élevé d’accès aux réseaux et les opérateurs historiques, qui restent très influents.”
2024 : Partenariats, expansion du réseau de train, nouveaux investisseurs
Au début de l’année, le patron de Flixtrain, André Schwämmlein, faisait le point sur les six années de démarrage du service ferroviaire. Il déclara notamment, à propos de la concurrence avec la Deutsche Bahn : “Nous ne voulons pas être des concurrents directs. Notre produit est en effet différent. Un exemple : la concurrence : Nous ne voyons pas de problème à ce qu’un homme d’affaires voyage en première classe avec la Deutsche Bahn pendant la semaine et prenne ensuite Flixtrain avec des amis le week-end (…) Il faut bien sûr que de nouveaux clients viennent s’ajouter. Voyager en train à bas prix ne devrait pas être une niche. Le train est sur un marché trop petit parce qu’il est trop cher. Si l’on veut doubler le nombre de voyageurs en train d’ici 2030, comme l’a déclaré la politique, il faut que la DB et Flixtrain travaillent ensemble (…). Nous avons besoin de plus de diversité sur le rail. Ce n’est qu’en proposant plus d’alternatives que l’on peut vraiment créer de la concurrence et améliorer l’offre pour les clients. Notre succès avec Flixtrain le montre déjà clairement : les gens souhaitent davantage d’offres.“
Fin des opérations en Suède
La moins bonne nouvelle fût le retrait intégral de la Suède, où Flixtrain opérait entre Stockholm et Goteborg. Flixtrain annonçait son retrait en mars 2024 et rapatriait toutes ses rames en Allemagne, afin de renforcer ses services comme indiqué plus haut.
Dans l’intervalle, le nouvel horaire 2024 de Flixtrain apportait une nouveauté pratique. Jusque là, de nombreux clients étaient confrontés au fait qu’il n’y a pas de liaison Flixtrain dans leur ville et ils devaient prendre les transports en commun jusqu’à la gare la plus proche pour emprunter un Flixtrain. Ce qui nécessite l’achat séparé d’un billet régional. Depuis le nouvel horaire, 26 villes supplémentaires qui ne bénéficient pas d’arrêt Flixtrain furent reliées au réseau dès 10 décembre 2023. Cela signifiait que pour ces villes, il était possible de réserver directement auprès du fournisseur une liaison Flixtrain comprenant le billet de transport public.
Dans les faits, Flixtrain prévoyait d’atteindre une capacité de trains supérieure d’environ 40 % à celle de 2023. L’entreprise augmentait également les fréquences : sur la ligne Berlin – Cologne, les trains verts de FlixTrain circuleront désormais jusqu’à six fois par jour (contre quatre auparavant), et sur la ligne Berlin – Francfort, jusqu’à huit fois (contre six auparavant).
Nouvel actionnariat
L’été 2024 fut intense au niveau capitalistique. En juillet, on apprenait que deux nouveaux investisseurs phares entraient dans le capital de Flix SE : le fond suédois financier EQT Future Fund et le holding du milliardaire hambourgeois Klaus-Michael Kühne reprennaient 35% de l’entreprise. “Nous ne pouvions pas espérer de meilleurs partenaires pour atteindre nos objectifs stratégiques“, déclarait alors Andre Schwämmlein. Selon une personne proche de la transaction, l’investissement apportait un bon milliard d’euros dans Flix, ce qui valorisait l’entreprise à plus de trois milliards d’euros. L’introduction en bourse, que Flix préparait depuis longtemps, devenait alors une idée dépassée.
Avec leur entrée, le duo EQT et Kühne remplaçait de fait l’investisseur technologique américain General Atlantic en tant que principal actionnaire de Flix. Selon les connaisseurs, EQT et Kühne détennaient ensemble deux fois plus d’actions que le deuxième actionnaire le plus important. Rappellons que Klaus-Michael Kühne (87 ans en 2024) était considéré comme l’homme le plus riche d’Allemagne. Il était l’un des principaux actionnaires du transitaire logistique suisse Kühne & Nagel, de la compagnie maritime Hapag-Lloyd ainsi que le plus grand actionnaire de Lufthansa.
Ce n’était pas encore fini. Le 12 août 2024, le holding Porsche Automobil Holding SE entrait à son tour dans le capital de Flix SE. Dans un communiqué succint, Porsche indiquait investir «un montant en millions à deux chiffres peu élevé», que l’on estimait à 10-15 millions d’euros.
Expansion ?
Dans une interview à Railway Gazette en septembre, FlixTrain a expliqué l’expansion de ses activités en Allemagne et a prévu de s’implanter sur d’autres marchés européens si les conditions sont favorables. « Les plus grands obstacles pour les opérateurs ferroviaires privés en Allemagne sont les frais d’accès aux voies – qui sont les plus élevés d’Europe – et les barrières à l’entrée du marché via les canaux de vente prédominants de la DB, bahn.de et l’application Bahn-Navigator », a expliqué Matthias Müller , directeur général de FlixTrain. « De nombreux clients supposent qu’ils peuvent trouver l’ensemble du service ferroviaire allemand géré par tous les opérateurs sur la plateforme de réservation de la DB, car les services régionaux et longue distance de tous les opérateurs peuvent y être réservés. Cependant, l’un d’entre eux, FlixTrain, n’est pas présent et nous ne sommes pas autorisés à proposer nos services aux clients par le biais de ces canaux de vente. Par conséquent, les clients passent souvent à côté de l’offre la plus adaptée et la plus attrayante pour eux ». 🟧
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