Intercity

Grandes lignesIntercity

Définition succinte : Le terme “Intercity” est né en 1966 en Grande-Bretagne, à l’initiative de British Railways. Il a été repris ensuite par la Deutsche Bahn et appliqué dès le printemps 1979 à l’ensemble des trains grande ligne cadencés. Il est toujours d’application de nos jours mais le vocable est aussi utilisé sur les “petits” réseaux comme aux Pays-Bas, au Danemark, en Belgique ou en Suisse, avec des trains plus conformes à un trafic régional. Cette page ne parle donc ici que des Intercity longue distance. En 1987, le terme “Eurocity” était créé au niveau européen pour remplacer le label “Trans Europ Express” qui venait de disparaître. Intercity et Eurocity ont une marque de fabrique clairement germano-alpine, de sorte que le label Intercity/Eurocity n’a pas pénétré en France, Espagne, Portugal ou même en Italie. La Scandinavie non plus n’a repris ni l’un ni l’autre. De nos jours Intercity / Eurocity restent encore affichés sur les quais d’Allemagne, d’Autriche et dans une certaine mesure en Europe Centrale. Avec PKP Intercity, la Pologne est une des rares à avoir explicitement retenu le terme.

➤ À retenir : Naissance de l’InterCityLe cadencement horaire 
➤ Pages associées : Trans Europ ExpressEurocity

Les divers programmes d’infrastructure conjugués aux gains obtenus par la traction électrique et diesel permettent de gonfler les roulements : grâce à l’augmentation des vitesses moyennes, on peut faire davantage d’aller-retour sur la journée avec le même nombre de rames, réduisant ainsi les investissements en matériel tout en augmentant le nombre de places offertes à la commercialisation. Ce scénario, avec des départs répétitifs à la même minute de chaque heure, est exploité dès la fin des années 50 entre London-Paddington et Wolverhampton via Birmingham. Cette liaison peut dès lors prétendre être à l’origine de tous les usages ultérieurs du terme ferroviaire Intercity (avec ou sans trait d’union), et ce pour le monde entier. A l’horaire hivernal de 1959-1960, cet axe devenait l’unique service cadencé avec restauration quotidienne entre Londres-Paddington et Wolverhampton, profitant de l’absence temporaire de trains sur la ligne principale de la côte Ouest, la WCML (West Coast Main Line) en cours d’électrification.  

C’est justement le 18 avril 1966 que fût relancé le trafic Londres-Manchester/Liverpool sur la WCML, mais cette fois en traction électrique 25kV et avec des corrections de la voie et des vitesses relevées. Le temps de parcours Londres-Manchester passe de 3h40 à 2h35. Le cadencement à l’heure est intégralement institué, entérinant la paternité définitive du terme Intercity à la Grande-Bretagne.

En parallèle, l’électrification de la WCML est – hélas – l’occasion toute trouvée pour raser l’ancienne gare londonienne d’Euston, qui est remplacée par un bâtiment moderniste dans la pure tradition du style architectural brutaliste des années 60. Ce sera heureusement la seule gare londonienne à subir ce sort… 

A cette époque, British Rail met en service les voitures Mark 2 (Mk 2, dont nous avons parlé plus haut). Elles furent rapidement intégrées dans les rames Intercity avec, pour l’occasion, l’introduction d’une nouvelle livrée destinée à tourner le dos au passé mais aussi à éviter les problèmes de corrosion constatés précédemment. La couleur bleue d’origine du parc voitures fût achalandée d’un bandeau gris clair à hauteur des fenêtres. Les voitures  reçurent en outre un logo blanc ‘InterCity’ ajouté à la zone bleue près de la porte à l’extrémité gauche de chaque pan. Le concept était lancé… Et il rapporta gros : +6% chaque année, tandis que le kilométrage parcouru par les voitures grimpait de 20% et le nombre de voyageurs par voiture-kilomètre bondissait à 40%.  

On notera que les BR mettaient aussi en services deux trains apparentés aux Trans-Europ-Express continentaux : les Manchester Pullman et Liverpool Pullman, à l’époque trains les plus rapides du royaume grâce à des trajets non-stop de et vers Londres. 

Et ailleurs ?
Dans l’Europe des années 1960, le “voyage grande ligne” induit une certaine notion de “distance” : on va loin et on passera probablement une nuit à destination. Il n’était pas question comme aujourd’hui de faire l’aller-retour Bruxelles-Paris ou Paris-Lyon juste une après-midi pour une réunion…

Le cadencement horaire est tout autre chose. Il fait référence à la systématisation des horaires des trains. Il a été diversement appliqué sur certains services locaux ou régionaux en Europe, notamment aux Pays-Bas. Le Berlin Stadt-und Ringbahn, autrement dit le S-Bahn de Berlin, ouvert en 1882, circulait déjà à intervalles fixes. Il en fut de même dès 1906 entre Cologne et Bonn, à l’époque avec des trains à vapeur.

Afin d’être compétitif avec la ligne rivale La Haye-Delft-Rotterdam , un service régulier était introduit en 1908 aux Pays-Bas sur la Hofpleinlijn Scheveningen – La Haye – Rotterdam-Hofplein, plius connue par la suite sous le nom de Randstad Rail. En 1968, les CFF exploitaient un service fixe à la demi-heure sur la rive droite du chemin de fer du lac de Zurich. 

En Allemagne, la loi sur la réglementation ferroviaire définit le cadencement horaire (ou “trafic régulier”) comme  étant « un service ferroviaire qui est généralement effectué sur le même itinéraire le même jour au moins quatre fois ou plus, à des intervalles de deux heures à la même minute. » (ERegG, § 1, al. 23).

Le vocabulaire ferroviaire a ainsi apprivoisé au cours du temps les deux termes en fusionnant cadence horaire avec InterCity, de sorte que le concept est aujourd’hui appliqué indifféremment tant à des services de type régionaux/nationaux (Belgique, Suisse, Pays-Bas, Danemark), qu’à des services longue distance.

Vers 68/69, l’Allemagne, contre toute attente, reprend le terme Intercity pour l’attribuer à quelques services de sa liste de trains F-Züge, principalement des liaisons par rames diesel VT601 à des vitesses maximales de 160km/h. Mais à l’inverse de la Grande-Bretagne, le service n’est exploité qu’en première classe, aux côtés des Trans-Europ-Express dont il garde par ailleurs la même livrée rouge/crème. Le succès pousse la DB à mettre en place dès septembre 1971 quatre lignes Intercity cadencées aux deux heures :  

  • Hambourg-Cologne-Munich, constituant la ligne 1 ;
  • Hanovre-Cologne-Munich, constituant la ligne 2 ;
  • Hambourg-Francfort-Bâle, constituant la ligne 3 ;
  • Brême-Hanovre-Nuremberg-Munich, constituant la ligne 4.

Les Trans Europ Express y était systématiquement intégrés. C’était particulièrement nouveau : la systématisation des horaires n’avait jusqu’ici pas été expérimentée sur de longues distances. La combinaison des lignes 1 et 2 permet un service cadencé à l’heure entre la Ruhr et Munich, ville où aboutissent finalement trois des quatre lignes. Nouveauté cependant par rapport à la Grande-Bretagne : des correspondances très étroites entre ces lignes, aux grands nœuds où elles se croisent, notamment Mannheim ou Francfort. A nouveau un choix judicieux qui va permettre de multiplier les itinéraires entre grandes villes germaniques. Il n’est plus fait ici usage des rames diesel VT601 mais de rames tractées de 4 à 8 voitures uniquement première classe, dont une voiture restaurant. Les performances de vitesse étaient atteintes grâce à ces rames de 300-400 tonnes, avec des voitures de 40 tonnes montées sur bogies Minden, et tractées par des locomotives E10 puis par les célèbres E03. Au-delà de ce service, la DB faisait circuler sa traditionnelle panoplie de D-Züge, toujours dotés de rames des deux classes. 

La DB enregistra dès 1972 un bon de 48% de sa clientèle et en 1973, un plus maigre 14% mais qui entérinaient de manière définitive le concept du train cadencé tout au long de la journée. Celui-ci est par ailleurs traduit à l’échelon régional dans les petits réseaux, au Danemark, en Suisse, aux Pays-Bas et en Belgique. L’incursion des D-Züge en international sur ces réseaux les insérait de facto dans la cadence horaire nationale des pays voisins. Il en était ainsi des trains Cologne-Ostende, cadencés aux deux heures. Les D-Züge en international devenaient de simples trains régionaux une fois passer la frontière danoise, suisse, belge ou néerlandaise, ce qui n’était pas sans poser des problèmes de cohabitation aux heures de pointe, les voitures n’étant qu’à compartiments, ce qui limitait le nombre de places assises et provoquait du mécontentement. En Belgique, les « abonnés » se voyaient d’ailleurs interdire l’accès aux D-Züge de et vers Cologne afin d’éviter toute surcharge.  

En octobre 1976, British Rail introduisait ces célèbres rames InterCity 125 (pour 125 mph, soit 200km/h), donnant une visibilité particulièrement novatrice au concept d’InterCity. Les britanniques avaient en effet opté pour la rame bloc indéformable encadrée par deux motrices. La systématisation entraînait la fin des manoeuvres en gare : on faisait demi-tour dans la demi-heure pour le voyage inverse. Une révolution…

À leur livraison, toutes les rames de 8 voitures portaient l’élégante livrée bleue et grise tandis que les motrices portaient le logo «Inter-City 125», nouvelle marque distinctive. Ces rames furent engagées sur les liaisons vers Bristol et du sud du Pays de Galles avant d’autres lignes.

En mai 1979, la Deutsche Bundesbahn appliquait la cadence horaire à l’ensemble d’une grande partie de ses trains express, sur fond d’abandon progressif des Trans Europ Express et d’une politique nouvelle en faveur du voyage de masse en seconde classe. Le maître mot était “Jede Stunde, jede Klasse“ (chaque heure dans chaque classe). Pour l’occasion, la DB adoptait le terme anglophone InterCity, avec le marquage “IC” sur tous les supports d’information et les écrans en gare.

La DB, à l’inverse de British Rail, n’opta pas pour la rame bloc encadrée mais pour des rames tractées de composition identique : 1ère classe – Restaurant – 2ème classe. Toutes les voitures devaient être climatisées. Les correspondances aux noeuds clés du réseau allemand se faisaient en quelques minutes, quai à quai ! 



Britanniques et allemands montrèrent ainsi la voie, sous le regard désintéressé des autres “grands” pays, France, Italie, Suède. Il faut cependant noter que l’armature géographique des villes britanniques et allemandes convenait plutôt bien à ce type d’exploitation, car dans ces pays on voyage entre grandes ou moyennes villes, pas uniquement vers la capitale…

Le systématisme horaire s’est reflété dans les célèbres indicateurs horaires, une chose que l’on ne trouve quasi plus de nos jours. On y a troqué les lourds tableaux par de simples colonnes, relations par relations. Cela donna ces quelques exemples : 


Cet exemple du service Sheffield-Londres nous montre la simplification obtenue : l’horaire n’est ici pas exactement sysmétrique mais tous les trains du lundi au samedi, ainsi que ceux du dimanche, sont réunis sous une seul page, en l’occurence ici un “pocket schedule”. Une majorité d’Intercity quittent Sheffield à xxh40 – xxh48, soit dans la même dizaine de minutes. Cette liaison d’environ 270 km dispose donc de 19 relations par jour en semaine, et de 10 le dimanche. C’est facile, visible et c’est Intercity, avec des trains identiques.


Dans l’exemple allemand, un indicateur horaire national existait sous un format pocket, reprenant chaque relation de chaque gare, ou presque, avec le kilométrage car à l’époque, la tarification était encore kilométrique dans certains cas. 



Le trajet de 396 kilomètres de Cologne à Offenbourg ne s’effectuait majoritairement que par un changement de train systématique à Mannheim (Mannh) ou Baden-Baden (Baden-Bad) : un carré entoure un “U” pour Umsteigen (changement, ndlr : de train). Par ce jeu, 16 liaisons étaient possibles tout au long de la journée, dont 4 étaient tout de même directes. Il est bien mentionné “IC”, tandis que “EC” désigne “Eurocity” (nous y reviendrons plus loin). D et FD étaient des trains un peu plus lents mais express. Tous les trains sont numérotés pour une éventuelle réservation de places qui, à la DB de l’époque, demandait un supplément de 3 DEM (Deutsche mark), environ 3 euros actuels.














Cet autre exemple, à la même page (tout est par ordre alphabétique), nous montre une relation très fournie : les 213km entre Cologne et Osnabruck sont possibles avec 19 relations directes, dont 4 train “D” hors schéma. La dernière relation (21h10) demande un changement à Dortmund. Tous les IC partent à xxh10, c’est facile à retenir, et les D ont leur propre horaire. Deux trains D de soirée (22h47 et 23h28) complètent cette trame pour une arrivée en pleine nuit. 





Bien entendu, le systématisme de la DB ne pouvait pas éviter les exceptions : ces jours où le train ne circule pas, dont certains Außer ⑥” (sauf les samedis), d’autres ne circulant pas les 24 et 25/12, par exemple.


Deux avantages
Le premier est d’ordre marketing, puisque les clients peuvent mémoriser facilement chaque « heure » de départ de leur gare, sans devoir à chaque fois consulter l’indicateur horaire. Le second avantage permettait l’exploitation de ces trains avec du matériel roulant fixe et identique tout au long de la journée et tous les jours de l’année, à quelques exceptions près. On pouvait ainsi offrir un service parfaitement linéaire, sans devoir entreprendre les innombrables exceptions qui caractérisèrent tant les chemins de fer d’hier. Le concept présente un côté industriel qui sied parfaitement à son époque, les années 70. Certaines gares adoptent d’ailleurs aussi un design moderniste…

Un inconvénient, qualifié de “majeur”…
La rapidité et la fréquence systématique n’ont pu être obtenues qu’en sacrifiant certaines « habitudes » bien ancrées parfois depuis des décennies : les voitures directes. Or dans certains pays, le “train direct” vers la capitale (souvent 2 ou 3 voitures) est carrément un trait culturel, voire un acte politique. En France, sans voitures directes, certaines préfectures ou sous-préfectures exprimaient lourdement “un abandon de la région par Paris“. Ceci explique pourquoi, en France mais aussi en Espagne ou en Italie, l’InterCity cadencé n’eut jamais bonne presse. On lui préféra le train long, lourd et rare, où on s’installe dans un compartiment pour un long voyage de 4, 6 ou 8 heures…

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