Trans Europ-Express (†)

 
Définition succincte : Label de qualité créé en 1957 par six (puis sept) réseaux ferroviaires dans une Europe apaisée. Il s’agissait de mettre en service un concept de train de luxe appelé « Trans Europ Express ». Les TEE, comme on les appela, ont constitué un réseau important dont l’apogée eut lieu en 1974, avant un irréversible déclin. Car entretemps, l’aviation attirait malgré tout davantage de clients d’affaire et proposait un service reliant toutes les villes d’Europe. Ils furent remplacés en 1987 par les Eurocity à deux classes et, peu après, par l’apparition en Europe de la grande vitesse ferroviaire.
➤ Développement – Les rames dieselLes rames tractées
IntercityEurocity
 

En 1957, six (puis sept) réseaux ferroviaires dans une Europe apaisée mettaient en service un concept de train de luxe appelé « Trans Europ Express ». C’était la même année que la signature du Traité de Rome, dans un optimisme généralisé qui voulait faire oublier les trois décennies et deux guerres mondiales qui mirent l’Europe à terre.

L’initiative venait du directeur des chemins de fer néerlandais, persuadé qu’il fallait ramener les hommes d’affaires vers le train en leurs proposant un confort hors du commun. On l’oublie trop souvent, mais traverser l’Europe en 1957, même en l’absence de guerre, c’était encore faire un « voyage » (alors qu’aujourd’hui, on se « déplace »). Les lignes ferroviaires étaient encore non électrifiées et les réseaux ferroviaires, centrés sur la reconstruction, n’avaient pas encore pu mettre en route de nouveaux services novateurs à l’international.

À l’origine, le néerlandais Den Hollander avait prévu dès 1954 un matériel roulant unifié géré par une société commune, séparée des entreprises d’état. Manifestement, cette idée plus que disruptive avait cinquante ans d’avance sur son temps et fut logiquement rejetée par les ministres des Transports de chaque pays, qui y voyaient une menace pour l’industrie et l’intégrité nationale. Le rail et la politique…

Le lancement de ce réseau eut donc bien lieu, mais chacun avec ses propres trains. Il ne s’agissait pas de « trains citoyens traversant une Europe sans guerre », mais de trains ne comportant que la première classe dont le tarif était agrémenté d’un supplément. Pourquoi ce supplément ? Parce qu’à l’époque, la tarification nationale offrait certaines réductions même en première classe. Ainsi, vous pouviez avoir une réduction « ancien combattant » en France et en Belgique, mais pas en Allemagne. Le supplément, lui, était identique pour tout le monde et reflétait le confort.

On peut cependant affirmer sans se tromper que les Trans Europ Express ont pu démontrer à quel point un voyage en train pouvait devenir une véritable expérience en terme de confort. Songeons au service de secrétariat ou à la voiture-dôme de la Deutsche Bahn sur son célèbre Rheingold, ou encore à la boutique et au salon de coiffure sur le Mistral Paris-Nice. Du grand art qu’on ne peut plus trouver de nos jours…

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À bord du Rheingold, TEE de la Deutsche Bundesbahn (nom d’époque). Une voiture qui ne sera jamais rééditée

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À bord du Mistral, TEE de la SNCF (photo CAV SNCF – 1/08/1969 – Yves Bouchet)

Les TEE, comme on les appela, ont constitué un réseau important dont l’apogée eut lieu en 1974, avant un irréversible déclin. Car entretemps, l’aviation attirait malgré tout davantage de clients d’affaire et proposait un service reliant toutes les villes d’Europe. Rappelons que la compagnie française Air Inter avait pour actionnaire, notamment, la SNCF !

L’autre conséquence du déclin des TEE était le développement important du voyage de masse. Popularisé partout en Europe dès les années 60, cette clientèle diversifiée ne souhaitait pas payer la première classe et un atroce supplément pour partir en vacances ou faire 300 kilomètres plusieurs fois par an. Cette clientèle voulait un confort se rapprochant de la première classe sans en payer le prix.

Les Britanniques d’abord (en 1966), les Allemands ensuite (en 1971), montrèrent la voie à suivre pour mieux remplir les trains. Des express à deux classes avec voitures climatisées et voiture-restaurant, cadencés toutes les deux heures puis par la suite toutes les heures (1979 en Allemagne). L’arrivée de ces trains dont les vitesses étaient quasi identiques à celles des TEE incitèrent la clientèle d’affaire à préférer les Intercity qui offraient davantage de possibilités horaires. La conséquence fut que les Trans Europ Express connurent une véritable hémorragie avec, sur dix ans de 1975 à 1985, une perte d’un tiers de sa clientèle !

En 1980, près de 36 trains internationaux étaient composés de matériel roulant proche des critères de confort des Intercity, reléguant les TEE dans la gamme des trains d’exception. En 1986, ces trains internationaux étaient au nombre de 108 (54 allers-retours).

Après six années d’existence ce type de relations avait donc trouvé sa clientèle sans même avoir fait l’objet d’une publicité spécifique. En mai 1987, le groupement Trans Europ Express était officiellement dissout, et les relations subsistantes intégraient un nouveau concept de l’UIC : les « Eurocity / Euronight ».

Il n’y a plus de clientèle de luxe, en dehors des trains spéciaux charter comme le Venise Simplon Orient Express ou l’Al Andaluz en Espagne. C’est même l’inverse qui se produit puisque depuis une dizaine d’année, il a encore fallu descendre d’un cran avec des tarifs très bas et un service minimum comme on en trouve chez Ouigo (SNCF) ou certains nouveaux entrants. Ces services monoclasse sont l’exact contraire du Trans Europ Express des années 60, quand voyager en Europe était encore le privilège d’une élite et du monde des affaires.

Depuis les années 2000, c’est encore une fois le secteur aérien qui a permis – mais à quel prix social -, aux fauchés d’Europe entière de passer quelques jours à 600 kilomètres de chez soi à petit prix. Les fortes améliorations du confort des autocars – secteur libéralisé -, promotionnant eux aussi des petits prix, avaient fini par reléguer le train longue distance dans une inquiétante marginalité.

Les Intercity, qui devaient ramener les client de l’avion et des bus au rail, ont eu du mal à percer dans certains pays. Sur une partie de l’Europe, c’est la grande vitesse qui prédomina dans la politique ferroviaire, comme en France, en Espagne et en Italie dès les années 80-90. Les trains tractés furent de moins en moins nombreux à circuler, tant en service national (trains « Corail » en France) qu’à l’international.

L’Allemagne aussi intégra le club de la grande vitesse, mais elle eut le bon goût de mélanger ce nouveau type de train avec le service Intercity existant, formant un ensemble unifié mais fortement remanié. D’ailleurs en Allemagne, la grande vitesse porte bien le nom de « Intercity », auquel on a rajouté le mot « Express » pour créer le concept d’ICE, Intercity Express, toujours en vigueur de nos jours. Hélas, les Intercity « classiques » actuels montrent une certaine vieillesse avec des voitures accusant parfois 40 ans d’âge.

La grande vitesse est encore perçue comme ayant pu « sauver les meubles », mais le constat peut rapidement être fait que ni les autoroutes ni les aéroports n’ont été vidé de leur clientèle…

Ailleurs, les pays alpins ainsi que l’ensemble des pays de l’Est, dépourvus de la grande vitesse, ont conservé le principe de la rame tractée. Les Autrichiens sont probablement ceux qui restent le plus attachés à ce type d’exploitation, avec leur concept très réussit de Railjet. Les Suisses, par exemple, ont préféré des rames automotrices, comme l’ETR 610 ou le nouveau Giruno de Stadler, pour leurs « Eurocity » vers l’Italie. D’autres pays ont aussi préféré les rames automotrices

Depuis 2012, de nouveaux entrants sont apparus sur ce segment Intercity/Eurocity, mais pas toujours en y apportant les critères de confort que l’UIC avait imaginé au début des années 80. Transdev Suède, RegioJet ou Flixtrain utilisent des voitures allemandes ou autrichiennes de la grande époque Intercity. À contrario, MTRX (Suède), Leo Express ou encore Westbahn ont acheté des automotrices Stadler qu’on attendait moins sur les longues distances.


Les rames bloc en traction diesel

En 1957, les réseaux européens étaient encore peu électrifiés, singulièrement sur les tronçons transfrontaliers. En outre, le choix historique de différentes électrifications dans chaque pays rendait difficile le matériel roulant interopérable, les technologies de l’époque ne permettant pas encore de passer d’un courant à l’autre.

L’idée d’origine de n’avoir qu’un seul matériel roulant unifié reçu une fin de non recevoir des pays membres du groupement TEE, chacun faisant valoir son industrie nationale.

Ces deux éléments entraînèrent l’apparition, dès 1957, de quatre types de rames diesel que reprend la liste ci-dessous. Les dates n’indiquent que leur utilisation Trans Europ Express, sachant que le matériel roulant eut souvent une seconde vie (on en parle plus bas).

RGP (Rame à grand parcours)

Rame autonome SNCF
1957 – 1965


La SNCF, face à une contrainte de temps, s’appuya sur son expertise des RGP monomoteurs, des rames diesel à 2 caisses. Ces rames étaient destinées aux trains grande ligne sur des axes moyens. Elle commanda 9 nouveaux ensembles RGP identiques, composés d’une motrice et d’une remorque pilote, offrant 81 places uniquement de 1ère classe.

ALn 442

Rame autonome FS
1957 – 1972



Les 9 automotrices Breda ALn 442-448, construites par Breda C.F. pour les Chemins de fer Italiens entre 1957 et 1958, étaient à traction diesel autonome et permettaient des liaisons directes entre Milan et d’autres villes européennes sans changements de matériel. Elles comportaient 90 places de première classe et disposait d’une cuisine.

RAm

Rame autonome NS-CFF
1957 – 1974



Les CFF et les NS ont collaboré sur un modèle commun nouveau, incluant une motrice, 2 voitures intermédiaires et une voiture-pilote. Désignés RAm en Suisse et DE4 aux Pays-Bas, ces rames étaient basées à Zurich, avec deux unités CFF (RAm 501 et 502) et trois NS (DE 1001 à 1003). Elles offraient 114 places + 32 dans la salle restaurant.

VT11.5

Rame autonome DB
1957 – 1972



Les rames diesel VT 11.5, conçues par la DB, furent une vraie nouveauté. Une motrice de 1.100 CV tractait ou poussait une rame de 5 voitures à compartiments, 1 voiture-restaurant et 1 voiture-pilote et de service. Elles furent étaient homologuées pour plusieurs pays européens et utilisées dans le trafic TEE à partir de 1957. Elles offraient 122 places + 46 places au restaurant.

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Les rames de voitures tractées

Les développements rapides de l’électrification ainsi que le succès des Trans Europ Express militèrent pour opter des rames plus longues plutôt que des élements automoteurs fixes. Seuls les CFF se lancèrent dans l’étude d’une rame électrique automotrice, ce qui était une petite révolution en cette époque où le changement de locomotive était systématique aux frontières.

RAe II

CFF
1961 – 1987



En 1959, les CFF entamèrent l’étude d’une rame automotrice aptes à 4 courants : 1500V, 3kV, 15kV et 25kV. Elle devaient avoir une puissance suffisante pour affronter les rampes du Gothard et du Simplon. Cinq rames furent livrées entre 1961 et 1967, avec la célèbre livrée rouge-crème TEE. Elles circulèrent effectivement entre la Suisse et Paris ainsi que le Bruxelles.

Les autres “administrations” préférèrent la souplesse des compositions variables et lancèrent la construction d’un grand nombre de voitures spécifiquement conçues pour les services Trans Europ Express. C’est ce que reprend la liste ci-dessous.

La traction de ces rames était un peu plus diversifiée, car les locomotives, bien que certaines conçues à l’origine pour les TEE, avaient des missions sur d’autres trains. Ces locomotives, dont certaines interopérables, sont reprises à une autre page. Le concept évolua et on remarquera que l’acceptation de train nationaux aux normes TEE, pas prévu à l’origine, engendra l’apparition de livrées sans rapport avec le rouge-crème.

Mistral 56 (DEV Inox 1956)

SNCF
1965 – 1969 (Paris-Nice)
1978 – 1984 (Paris-Lille)


Créé en 1950, “Le Mistral” Paris-Nice fut un express doté de voitures DEV Inox en 1956, complété par du matériel roulant CIWLT pour la restauration. En 1965, le “Mistral” reçut le label TEE et circula encore avec ces voitures jusqu’en février 1969, avant leur replacement. Les TEE SNCF de courte durée Paris-Lille-Tourcoing reçurent également ce type de voitures entre 1978 et 1984.

PBA 1964 (Paris-Bruxelles-Amsterdam)

SNCF / SNCB
1964 – 1987


Pour ses premiers TEE en traction électrique intégrale entre Paris, Bruxelles et Amsterdam, la SNCF entreprit l’étude de nouvelles voitures. Les français préférèrent poursuivre l’option “Inox” des DEV et commandaient 25 véhicules. De son côté la SNCB en commandait 11, comprenant notamment 4 voitures-bar et 4 fourgons-générateur.

Ap 4üm, Av 4üm, WR 4üm…

DB
1965 – 1985


Créé en 1928, le “Rheingold” reçut le label TEE en mai 1965. Le plus célèbre des trains allemands bénéficia de 43 nouvelles voitures climatisées construites en 1962. Il s’agissait des Ap 4üm (photo) à couloir central, de Av 4üm à compartiment, de WR 4üm mais surtout des célèbres voitures-dôme AD 4üm. D’autres séries arrivèrent entre 1968 et 1972.

Talgo III RD

Renfe
1969 – 1982



C’est à n’en pas douter la plus atypique des rames TEE. En 1967, le constructeur espagnol Talgo mettait à l’essai une rame bloc dotées de roues indépendante à écartement variable. Avec ce système, on passait de l’Espagne à la France en quelques minutes. Ces rames de 14 voitures et 153 places circulèrent dès 1969 entre Barcelone et Genève.

Mistral (et PBA) 1969

SNCF / SNCB
1964 – 1987



Ces voitures furent commandées pour l’exploitation du TEE “Le Mistral” en vue de remplacer les voitures DEV Inox évoquées plus haut. Mais la SNCF visait plus large et 86 voitures furent livrées entre 1968 et 1970 pour garnir d’autres TEE, notamment les Paris-Bruxelles-Amsterdam ainsi que le Paris-Ruhr. Elles sont identiques aux voitures PBA de 1964 mis à part leurs nouveaux bogies Y28.

Gran Confort

FS
1969 – 1984



L’année 1969 fut une année faste en renouveau. Les FS voulaient se débarrasser des autorails Breda plus vraiment aux normes des TEE cette fin des années 60. Ils se firent livrer 28 élégantes voitures Gran Confort en livrée rouge-crème destinées à l’international, comprenant des voitures à compartiments, couloir central, voitures-restaurant et même fourgon.

Le groupement TEE avait une commission qui autorisait – ou non -, l’admission de certains trains dans le “catalogue”. À l’origine du concept, seuls les trains internationaux devaient être admis. Mais une demande de la DB de faire entrer quelques trains nationaux (TEE …) poussa la SNCF et les FS à faire de même, en “labelisant” quelques trains de leur service intérieur respectif.

La conséquence la plus visible fut l’abandon de l’uniformité rouge-crème et l’adoption de livrées au choix de chacun. C’est ce qui est représenté ci-dessous, une courte liste qui marque un point final dans la livraison des prestigieuses voitures Trans Europ Express.

Gran Confort

FS
1969 – 1984



Pour différencier les TEE internationaux des cinq TEE “domestiques”, les FS se firent livrer d’élégantes voitures Gran Confort identiques aux “rouge-crème” précédentes mais destinées au trafic intérieur. La livrée est un mélange de gris et crème soulignés par deux élégantes bandes rouge, symbole du luxe.


Grand Confort

SNCF
1970 – 1984



On reste dans le Grand Confort (avec un “d”) pour cette ultime livraison de 102 voitures qui auraient dû être inclinables mais qui ne le furent jamais. Livrées à partir de 1969 sans la marque distinctive “TEE” sur leurs flancs, elles vînrent garnir les compositions du Sud-Ouest, sur “l’Étendard” Paris-Bordeaux puis “Le Capitole” Paris-Toulouse, avant Strasbourg à l’Est.

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Et ensuite ?

La dissolution du groupement TEE en mai 1987 n’avait heureusement pas signifié la mise à la ferraille de tout ce beau matériel roulant. Les voitures inox “Mistral 1969” (et certaines de 1964), ont poursuivi une petite carrière en tant que voiture de seconde classe pour certaines. On a pu les voir entre Bruxelles et Paris jusqu’au 1er juin 1996, dernier jour avant le Thalys.

En Allemagne, les Ap 4üm, Av 4üm, WR 4üm et autres ont toutes trouvé leur place dans les nombreux intercity cadencés longue distance à deux classes. À l’arrivée des ICE dès les années 90-2000, nombre de ces voitures furent vendues à des associations et des particuliers. Les plus malins en ont fait un petit business pour les relouer à quelques rares nouveaux entrants.

Une association suisse, TEE Classics, a magnifiquement pu reconstituer une rame d’époque.

En Italie, les Gran Confort ont aussi retrouvé une autre place dans de nombreux trains longue distance, certaines circulent encore de nos jours, probablement plus pour longtemps. La superbe Fondazione FS dispose d’un parc historique impressionnant, dont des voitures Gran Confort.

En Espagne, le Talgo III a cessé de circuler, même à deux classes. Une rame a fort heureusement été préservée et magnifiquement restaurée pour l’histoire du rail espagnol.

Plus malheureuse est la destinée des “Grand Confort” SNCF, qui firent la gloire des Paris-Bordeaux et Paris-Toulouse. Après une tentative de classe supérieure “Euraffaires”, ces belles voitures ont disparu de l’exploitation, parfois comme train expo. 

Une association hollandaise, Stichting TEE Nederland, tente à présent de reconstituer et reconstruire une RAm, dont les exemplaires étaient parti au Canada ! 

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