Grandes lignes • Autriche • ÖBB • Nightjet
➤ À retenir : Évolution de l’entreprise – Matériel roulant – Évolution du trafic – Innovation – Finances
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Note : cette page est à usage exclusivement didactique. Elle ne se subsitute pas à la page officielle de l’entreprise.
Nightjet est la marque des trains de nuit exploités par ÖBB-Personenverkehr AG, une filiale à 100% du holding ÖBB. Ce branding s’intègre dans le concept général de ‘Jet‘ – avec les Railjet et les Cityjet -, qui est la ligne marketing du trafic voyageur des ÖBB. Nightjet n’est donc pas une compagnie privée mais gère l’intégralité de son business, au prix du marché et sans obligation de service public. Mais d’où vient cette idée ?
Les trains de nuit autrichiens avaient déjà une bonne réputation avant le nouveau branding Nightjet. C’est l’actualité étrangère qui est à la base du concept. En 2015, la Deutsche Bahn décidait d’abandonner ses City Night Line, trains équipés de voitures-lits et de voitures-couchettes. Représentant à peine 4% des trafics, avec 90 millions de ventes annuelles, le groupe allemand disait enregistrer une perte de 30 millions d’euros. Une polémique enflât plus tard sur la véracité de ces chiffres : les voyageurs de nuit en places assises étaient comptabilisés en «_interurbains de jour », ce qui faussait la fréquentation.
Opérateur : ÖBB-Personenverkehr AG
Filiale / Division : 100% de ÖBB-Holding
Branche : Transport de voyageurs
Segment commercial : Grande ligne
Transport international : oui
Premiers services : décembre 2016
Type de train : Rames tractées
Constructeur(s) : Matériel varié
Traction : en partenariat
Siteweb officiel : https://www.nightjet.com
Réseaux sociaux :
Entreprises similaires : Caledonian Sleeper – SJ – Trenitalia
Face au géant Deutsche Bahn, la petite ÖBB bombe le torse à travers toute l’Europe centrale et alpine, et s’invite dans la cour des grands. Et comme Vienne, Zurich, Venise ou Budapest se trouvent un peu à l’écart de l’Europe de la grande vitesse et des flux intensifs façon Paris-Bruxelles, le train de nuit devient automatiquement une alternative dans une vaste région où il n’y aura probablement jamais de TGV.
Reconstruire l’offre
« Wisst ihr eigentlich, was ihr da tut? – Savez-vous vraiment où vous allez ? ». C’est la question 1000 fois entendue par Kurt Bauer, le responsable du transport longue distance ÖBB. Ce jeune directeur ambitieux souligna immédiatement qu’il n’est pas nostalgique du train de nuit : « Je suis un économiste pur et dur », expliquait-t-il à Die Zeit en décembre 2017. « L’échec des allemands est une opportunité pour les ÖBB ». Comment se fait-il que quelque chose de ruineux pour la Deutsche Bahn devienne rentable pour les Autrichiens ? « En tant que chemin de fer de petite taille, nous devons également adopter des méthodes non conventionnelles » répondit sobrement Kurt Bauer. Lequel expliqua aussi que sur 34 millions de voyageurs grande distance, 1,4 millions le sont seulement par train de nuit, mais ils fournissent 15 à 20% du chiffre d’affaire. « On ne peut dès lors tout simplement pas parler de marché de niche avec de tels résultats financiers » poursuit l’économiste de formation.
L’arrivée des autrichiens avec les Nightjets fut cependant une action assez précipitée, malgré des études préalables pour renouveler le concept du train de nuit. Un test avait eu lieu sur l’EN 471 Hambourg-Zurich, concernant le service, le catering et un certain nombre de détails opérationnels. La décision des allemands précipita les choses et il fallut tout mettre sur pied en seulement quelques mois, ce qui représente la vitesse du son dans un monde ferroviaire habitué à la lenteur des décisions. Il a fallu mettre au point une nouvelle marque dynamique, une stratégie marketing décapante et de nombreuses nouvelles idées pour satisfaire les goûts du XXIe siècle. Un défi qui demande des gens d’expérience. Les ÖBB ont donc investis 40 millions d’euros sous leur nouvelle marque ÖBB Nightjet en rachetant 15 voitures-couchettes et 42 voitures-lits allemandes, qu’ils rajoutèrent à leur propre parc roulant. Au total : 74 voitures-couchettes, 52 voitures-lits et environ 63 voitures places assises, soit 189 véhicules à repeindre dans la nouvelle livrée du concept Nightjet.
Décembre 2016 : démarrage du service
Qu’on ne s’y trompe pas : tous les trains de nuit de la Deutsche Bahn ne furent pas repris, seules les meilleures liaisons survécurent. Dans l’escarcelle des ÖBB, les fameuses voitures-lits à étages de l’ancien City Night Line, que les ÖBB continuèrent d’exploiter sur les Zurich-Berlin et Zurich-Vienne. Certaines liaisons ne se sont donc jamais arrêtées mais ont juste changé d’opérateur…
« Le soir de la prise de contrôle, nous avons rapidement collé notre sticker ÖBB sur les voitures », explique Kurt Bauer,« puis nous avons tout de suite commencé. » D’autres liaisons, comme Vienne-Amsterdam, disparaissaient du réseau de trains de nuit… À noter que si le label ‘Euronight’ disparaissait des ÖBB, il restait en vigueur pour les trains de nuit non-exploités par les ÖBB, comme ceux des HŽ (Croatie), des MÁV (Hongrie), de PKP (Pologne) ou encore de České dráhy (ČD, Tchéquie). Certains de ces trains sont désignés “partenaires” par les ÖBB car ils sont prochent des standards de confort Nightjet, notamment avec les voitures-lits Comfortline achetées en nombre par les réseaux d’Europe centrale, dont la Deutsche Bahn.
Le démarrage du service, au soir du 11 décembre 2016, reprend certains principes d’exploitation, comme les tranches de voitures à destinations multiples, une technique destinée à massifier plusieurs groupes de voitures pour ne former qu’un seul train. Certains groupes de voitures Euronight voyagent avec des convois Nightjet. Comme le ÖBB bénéficient de tarifs avantageux sur le sol autrichien, on vit alors de groupes de voitures faire de grands détours pour bénéficier à la fois de la massification et des péages avantageux. C’est notamment le cas des voitures Vienne-Venise qui passent par Salzbourg et Villach, où des voitures Rome-Munich passant aussi par Villach et Salzbourg plutôt qu’Innsbruck, trajet plus direct.
Faire de Vienne un nouveau hub est clairement l’objectif des ÖBB, qui imposent ainsi leur marque dans toute la Mitteleuropa, au croisement d’un vaste ensemble Pologne/Tchéquie/Hongrie avec le « bloc Adriatique » Croatie/Italie, sans oublier l’arc Alpin avec la Suisse. Avec ces flux convergents, on observait chaque soir à la gare centrale de Vienne, la toute nouvelle Hauptbahnhof, pas moins de cinq départs Nightjet :
• 19h23 : NJ 233/232 Vienne-Rome et Vienne-Milan via Villach (dégroupé à Tarvisio) ;
• 20h41 : NJ 490/40490 Vienne-Düsseldorf et Vienne-Hambourg (dégroupé à Nuremberg) ;
• 21h27 : NJ 466 Vienne-Zurich et Vienne-Venise (dégroupé à Salzbourg avec apport des voitures venant de Budapest et Prague !) ;
• 22h55 : NJ 246, l’unique train intérieur, Vienne-Bregenz (au bord du lac de Constance) ;
S’y ajoute les vendredis d’été à 20h23, l’ARZ (TAA avec autos) NJ 1237/1239 Vienne-Livourne.
Concernant l’Autriche, les seuls coupons qui évitent la grande capitale sont :
• Le NJ 420 Innsbruck-Hambourg/Düsseldorf (dégroupé et réarrangé avec le NJ 490 à Nuremberg);
• Le NJ 464 Graz-Feldkirch/Zürich qui prend en cours de route des voitures Euronight Zagreb-Zurich.
Enfin, l’unique paire de Nightjets qui ne concernait pas l’Autriche était – et est toujours -, le NJ 470 Zurich-Berlin/Hambourg, l’un des plus rémunérateurs de toute la liste. C’est l’un des deux seuls trains de nuit encore actifs en Suisse, même si le troisième, l’ex-Thello Paris-Venise, traversait le Valais en pleine nuit sans opérations commerciales sur le territoire. À cette époque, le service Nightjet ressemblait à ceci :
Nightjet n’a pas abandonné pour autant ses voisins. Un réseau de partenaires complète encore l’encrage de la Mitteleuropa, en menant ses voitures-lits jusqu’à Varsovie, Budapest, Rijeka et même Zagreb. C’est ainsi que Zurich obtient, par le jeu des « coupons », des voitures directes vers Zagreb, Graz, Vienne, Budapest et même Prague via Linz, des groupes de voitures que l’on transmet d’un train à l’autre pour un horaire acceptable.
Expansion et nouveau matériel roulant
La bonne tenue des trafics dès 2017 suscita rapidement une demande pour étendre les relations vers d’autres pays, en particulier le Benelux et Paris. Mais cela demandait du matériel roulant supplémentaire et entraînait des coûits supplémentaires en matière du temps de travail des équipes à bord.
Un des objectifs était d’achalander Berlin, destination de plus en plus courue parle tourisme et le monde des affaires. L’horaire 2019 vit ainsi un nouvel apport de voitures Nightjets :
• 22h10 : NJ 456 Vienne-Berlin et Vienne-Varsovie via Breclav (en réalité il s’agit de l’ex-‘Chopin‘ avec dégroupage à Bohumin), les voitures vers Varsovie restant gérées par les PKP sous le label Euronight.
Cela donnait alors 5 trains de nuit au départ de Vienne, (6 les samedis d’été avec le Vienne-Livourne), sans compter le Dacia vers Bucarest, également un Euronight. Manifestement, Vienne conservait sa place de hub du trafic de train de nuit.
Nouveau matériel roulant
Avant même que le concept Nightjet ne soit lancé, les ÖBB avaient présenté en février 2016 une audacieuse reconfiguration des compartiments couchettes. Au printemps 2017, un appel d’offre était lancé pour près de 400 millions d’euros de matériel roulant, mais en incluant aussi des Railjets, les intercity de jour. Dans le détail, les ÖBB entendaient acquérir 21 rames AVEC locomotive – ce qui est nouveau –, soit un total de 160 voitures pour 10 rames Railjet de jour et 13 rames de sept voitures pour les Nightjets. L’appel d’offres comprenait des voitures avec cabines de conduite et des voitures multifonctions à plancher surbaissé, pouvant circuler jusqu’à 200 km/h en Autriche, en Allemagne, en Suisse et en Italie. La décision finale tomba en août 2018 avec la signature d’un contrat cadre et une première commande de 250 millions d’euros chez Siemens Transportation (aujourd’hui Siemens Mobility), dont la seule usine qui construit des voitures internationales est située… à Vienne.
2020 : Bruxelles et Covid 19…
La bonne tenue des trafics dès 2017 suscita rapidement une demande pour étendre les relations vers d’autres pays, en particulier le Benelux et Paris. Mais cela demandait du matériel roulant supplémentaire et entraînait des coûits supplémentaires en matière du temps de travail des équipes à bord.
Un des objectifs était d’achalander Berlin, destination de plus en plus courue parle tourisme et le monde des affaires. L’horaire 2019 vit ainsi un nouvel apport de voitures Nightjets :
• 22h10 : NJ 456 Vienne-Berlin et Vienne-Varsovie via Breclav (en réalité il s’agit de l’ex-‘Chopin‘ avec dégroupage à Bohumin), les voitures vers Varsovie restant gérées par les PKP sous le label Euronight.
Cela donnait alors 5 trains de nuit au départ de Vienne, (6 les samedis d’été avec le Vienne-Livourne), sans compter le Dacia vers Bucarest, également un Euronight. Manifestement, Vienne conservait sa place de hub du trafic de train de nuit.
Les projets élaborés à l’automne 2019 comprenaient une liaison entre Vienne/Innsbruck et Bruxelles, par détournement du Vienne/Innsbruck-Düsseldorf deux foix par semaine vers Aix-la-Chapelle et Bruxelles. Cette liaison fut officiellement ouverte le 20 janvier 2020.
Hélas, comme pour tous les opérateurs d’Europe, cette extension vers Bruxelles fut de courte durée puisqu’à la mi-mars, les restrictions sanitaires étaient d’application un peu partout en Europe. Bruxelles comme d’autres destinations furent tour à tour fermées à la circulation, menant les Nightjets vers plusieurs mois de chômage.
Une reprise des services eut lieu avec les assouplissements de l’été puis de l’automne 2020 mais de nouvelles restrictions apparurent dès novembre pour une année cauchemardesque que tout le monde avait hâte d’oublier.
Des projets malgré tout
Dans l’intervalle, les ÖBB passaient une seconde commande de 500 millions d’euros chez Siemens 20 rames Nightjet à sept voitures de type Viaggo. Chaque rame, d’une capacité de 100 places assises et de 160 places couchées, est composée de deux voitures-lits, trois voitures-couchettes et de deux voitures places assises. Cette nouvelle commande portait à terme le parc à 231 voitures, dont des voitures-lits, des voitures-couchettes et des voitures places assises. Ces rames, tout comme celles commandées en 2018, sont conformes aux nouvelles prescriptions anti-feu italiennes lors des passages en tunnel.
Par ailleurs, le projet de lancement d’un nouveau Nightjet vers Amsterdam était reporté avec la seconde vague d’épidémie.
2021 : Amsterdam, Zurich, Paris et nouvelles voitures
Malgré la crise, Siemens et ÖBB présentaient le 23 février 2021 un premier chaudron peint des toutes nouvelles voitures Nightjet, non encore équipé des aménagements intérieurs.
Au printemps 2021, avec les vaccinations avancées en Europe, les services Nightjets purent reprendre petit à petit au départ de Vienne. Le train vers Bruxelles était de retour le 25 mai 2021 dans un nouvel horaire mais désormais sans la tranche Innsbruck. Car ce train était désormais partagé avec une nouvelle tranche vers Amsterdam. Dans cette tranche, se trouvaient la ministre autrichienne de la protection du climat, Mme Leonore Gewessler, et le PDG d’ÖBB, M. Andreas Matthä, arrivant dans la capitale néerlandaise le lendemain matin. Le service a été accueilli par la secrétaire d’État néerlandaise pour les infrastructures et la gestion de l’eau, Mme Stientje van Veldhoven, et la présidente de la NS, Mme Marjan Rintel. Dans la tranche vers Bruxelles se trouvait Michaela Huber, à l’époque membre du comité de direction d’ÖBB-Personenverkehr AG. Les ÖBB avaient à coeur d’entamer une offensive de charme et de démontrer leur volonté malgré la perduration de la pandémie.
Sur les traces de l’ancien Orient-Express
En septembre 2021, l’ouverture de la billeterie sur Vienne-Paris concrétisait la mise en oeuvre du partenariat entre la SNCF et les ÖBB (ci-contre tweet d’Alain Krakovitch, Directeur général de Voyages SNCF). Signé en 2020, ce partenariat prévoiyait un parcours commun entre Vienne et Mannheim avec la tranche Bruxelles qui, pour le coup, ne faisait plus partie du Nightjet d’Amsterdam qui de son côté, prenait un autre sillon associé avec le futur Amsterdam-Zurich…
Pour se rendre à la Cop26 qui se tenait à Glasgow début novembre 2021, la ministre autrichienne de Transports (Vert) Leonore Gewessler n’a pas hésité à promotionner le train en faisant l’aller-retour complet, Nightjet + Eurostar + Avanti.
Amsterdam-Zurich
Dans la foulée d’un accord de partenariat signé en décembre 2020, les CFF, ÖBB et les NS (Pays-Bas) relançait un train de nuit qui exista naguère entre Zürich et Amsterdam. Innovation : ce train comporterait à Bâle une tranche de voitures à places assises dont la gestion commerciale incombe à la Deutsche Bahn, dans le cadre de ses “ICE” de nuit.
2022 – 2023 : nouveaux services, nouveau matériel roulant
Dès décembre 2022, la tranche Vienne-Milan était prolongée vers Gênes et La Spezia, offrant plusieurs destinations supplémentaires à un réseau déjà bien fourni. De son côté, quelques nouvelles voitures Nightjet et Railjet poursuivaient leurs essais en Autriche et en Allemagne.
Décembre 2023 fut incontestablement un grand moment pour Nightjet, puisqu’étaient lancés successivement :
- De nouvelles liaisons entre Paris et Berlin ainsi que Bruxelles et Berlin, tri-hebdomadaire ;
- Mais surtout le lancement sur Vienne-Hambourg des toutes nouvelles rames Siemens tant attendues.
Cette étape soulignait aussi la coopération entre les ÖBB et certains opérateurs publics, tels la DB, la SNCF et la SNCB, comme l’illustrent les photos ci-dessous (à gauche photo ÖBB press). Le point le plus visible fut l’adjonction sur les voitures des logos des trois entreprises partenaires.
Prévues à l’origine pour 2020, les nouvelles rames Siemens étaient enfin mises en service pour la première fois sur les liaisons Vienne – Hambourg et Innsbruck – Hambourg. Il était moins une : elles ne reçurent l’autorisation de circuler par l’ERA que le 24 novembre 2023, soit quelques jours avant le début officiel des opérations commerciales. La nouveauté résidait dans l’aménagement des voitures-lits et surtout la mise en service de ce qui est appelé les “mini-cabines” individuelles (photo de droite).
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