Du côté de la voie • Concept de réseau • RTE-T (TEN-T)
Définition succinte : Projet en discussion depuis les années 1980, le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) veut connecter les différents réseaux de transport des États membres de l’Union, tant au niveau rail que route et même maritime. Les premières orientations du programme furent adoptées en 1996 puis modifiées à plusieurs reprises, notamment en 2013 et très récemment, en 2024. Ce réseau est consitué de trois étapes qui s’étalent jusqu’en 2050. L’Union européenne dresse le cadre mais n’a pas de compétence pour la conception, le financement et la construction de ces infrastructures, laissant la responsabilité aux États membres. L’UE apporte cependant une partie du financement sur certaines portions d’infrastructures d’intérêt général. Ainsi, plusieurs instruments financiers et non financiers sont mis en place pour faciliter la mise en œuvre des projets.
Sommaire
➤ Historique du réseau RTE-T (TEN-T)➤ Les 30 projets de Essen
➤ Les 9 corridors (2013)
➤ Révision 2024
➤ Le financement des RTE-T
➤ Gestion des corridors
En très bref
➤ Au début des années 90, les États membres ont décidé d’élaborer une politique en matière d’infrastructures de transport à l’échelle de l’UE. La Commission, et plus particulièrement sa direction générale de la mobilité et des transports (DG MOVE), est responsable de la conception, de la mise en œuvre et de l’application de cette politique. Le principal acte juridique régissant le réseau européen de transport routier, ferroviaire, fluvial, maritime et aérien de passagers et de marchandises est le règlement relatif au réseau transeuropéen de transport (RTE-T)9, dont la version actuellement en vigueur a été adoptée en 2013.
➤ Au cours de la période 2014-2020, les deux principales sources de financement de l’UE en faveur des projets d’infrastructures de transport nationaux et régionaux furent : le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds de cohésion (FC), dont la gestion est partagée entre la Commission et les États membres et, le Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe (MIE), qui est géré directement par la Commission (DG MOVE).
Origines du concept
Dans le Traité de Rome signé en 1957, instituant la Communauté économique européenne, la politique européenne des transports apparaît comme un objectif structurant. Pourtant, elle restera encalminée pendant près d’une trentaine d’années par le poids écrasant des États et de la souverainté nationale.
1984
La Cour de Justice condamne le Conseil des Ministres Européen pour « carence » concernant la mise en oeuvre du Traité de Rome, dont le volet « Transport ». La notion de corridor figure dès 1990 dans le Rapport sur le réseau ferroviaire à grande vitesse rédigé par un groupe d’experts mandaté par le Conseil de l’Union européenne (Conseil de l’Union européenne, 1990).
1993
Le traité de Maastricht acte la mise en place des « Réseaux Transeuropéens de Transports, Energies et Communication » définis par l’Union européenne (UE). A partir de là, quatre périodes sont à distinguer dans la politique européenne.
Le programme RTE-T se compose de centaines de projets – définis comme des études ou des travaux – dont le but ultime est d’assurer la cohésion, l’interconnexion et l’interopérabilité du réseau transeuropéen de transport, ainsi que l’accès à celui-ci. Les projets RTE-T, qui sont situés dans chaque État membre de l’UE , incluent tous les modes de transport : route – rail – maritime – voies navigables – air – logistique – comodalité – innovation.
30 projets prioritaires (ou axes) et autres priorités horizontales ont également été établis pour se concentrer sur l’intégration et le développement paneuropéens. Ces projets prioritaires ont été choisis, selon la Commission, à la fois en fonction de leur valeur ajoutée européenne et de leur contribution au développement durable des transports. Leur achèvement – prévu pour 2020 – améliorera l’efficacité économique du système de transport européen et apportera des avantages directs aux citoyens européens.
Sur ces 30 projets clés, 18 sont des projets ferroviaires, 3 sont des projets mixtes rail-route, 2 sont des projets de transport fluvial et un concerne les autoroutes de la mer. La liste des projets concernant le rail est décrite plus bas. Ce choix reflète une priorité élevée à des modes de transport plus respectueux de l’environnement, contribuant à la lutte contre le changement climatique.
Les projets ferroviaires s’entendent essentiellement par des travaux d’infrastructures, parfois de grande ampleur, comme ceux que nous évoquons à cette page. Ces infrastructures englobent ainsi autant la grande vitesse que les trains de fret. Ces derniers font l’objet d’un traitement spécifique au travers de 9 corridors de fret ferroviaire, dont certaines parties rentrent dans le cadre des 21 projets RTE-T concernant le rail. La Commission européenne a notamment désigné un groupe de dix éminents coordinateurs européens pour évaluer l’avancement de certains projets prioritaires RTE-T, faire des recommandations pour la mise en œuvre efficace de ces projets et jouer un rôle majeur dans l’avancement des travaux.
Chronologie
1992-1996
Mise en place des premières Orientations communautaires du développement du RTE et des instruments financiers correspondants.
1993
Le RTE-T se voit conférer une base juridique dans le traité de Maastricht, ce qui pallie au manquement évoqué plus haut lors de la fondation de la CEE en 1957.
1994 (Essen)
Le Conseil européen d’Essen identifie une liste de 14 projets « spécifiques » reconnus comme prioritaires, par un groupe présidé par Henning Christophersen, alors vice-président de la Commission européenne. Ce sont les fameux projets « d’Essen » Cette décision politique restera toutefois sans lendemain.
Dans l’intervalle, des organismes intergouvernementaux, comme la CEMT et la CEE-ONU, s’occupent à arrimer l’Europe aux pays de l’Est, désormais libérés du rideau de fer. Une évocation de corridors apparaît ainsi lors de la 2ème conférence paneuropéenne de Crête, en 1994. Ce concept est coordonné par un centre dédié nommé TINA, basé à Vienne.
1995
Adoption de la réglementation pour l’octroi d’un concours financier dans le domaine des réseaux transeuropéens.
1996
Adoption des orientations du RTE-T.
1996-2001
Mise en œuvre des politiques de soutien aux projets RTE dans les pays membres, préliminaires de leur extension aux pays candidats (processus TINA et mise en place des politiques de préadhésion).
2001
Adoption de l’extension des orientations du RTE-T aux infrastructures portuaires (ports maritimes, ports fluviaux et terminaux intermodaux).
2001 (livre blanc)
Le livre blanc intitulé « La politique européenne des transports à l’horizon 2010: l’heure des choix », s’inscrit dans la continuité des actions menées dans les années 90 et définit un certain nombre d’objectifs à atteindre afin de concilier le développement économique et les exigences en termes de qualité et de sécurité, afin de développer un transport moderne et durable. Ces dix dernières années ont en effet été caractérisées par des mesures en faveur du report modal, d’une sécurité accrue des transports, du développement de systèmes de transports intelligents et d’un renforcement des droits des passagers.
2001-2005
2003 (groupe Van Miert)
L’heure des choix se vérifie au travers d’un groupe présidé par le belge Karel Van Miert, ancien vice-président de la Commission européenne, qui propose de nouveaux projets prioritaires et demande de nouveaux moyens de financement. Il est suggéré de compléter le maillage des RTE-T par seize autres projets prioritaires.
2004
Adoption des orientations révisées et de la réglementation financière, avec à présent une liste de 30 projets prioritaires (dont les quatorze originaux) et surtout, hausse des subsides européens qui passent de 10 à 20 % dans certains cas. Avec les trente projets prioritaires, les RTE-T dépassent le simple cadre de l’UE à quinze et s’étendent aux pays nouvellement entrés dans l’UE en 2004 ainsi qu’aux candidats à l’élargissement. Il est à noter que ces projets ne sont pas spécifiquement ferroviaires mais sont tournés vers une approche multimodale.
2005
Désignation des six premiers coordinateurs européens pour les axes prioritaires nos 1, 3, 6, 17 et 27, ainsi que pour la mise en œuvre du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS). Un groupe présidé par Loyola de Palacio devait proposer des axes reliant les axes majeurs du RTE-T aux pays voisins en dehors de l’UE.
La liste des 30 projets, dont 21 concernent le secteur ferroviaire
• Axe ferroviaire Berlin-Vérone / Milan-Bologne-Naples-Messine-Palerme
• Axe ferroviaire à grande vitesse Paris-Bruxelles / Brussel-Köln-Amsterdam-Londres: PBKAL
• Axe ferroviaire à grande vitesse du sud-ouest de l’Europe
• Axe ferroviaire à grande vitesse est
• Ligne fret de la Betuwe (Betuwlijn)
• Axe ferroviaire Lyon-Trieste-Divača / Koper-Divača-Ljubljana-Budapest-frontière ukrainienne
• Axe autoroutier Igoumenitsa / Patra-Athina-Sofia-Budapest Axe multimodal Portugal / Espagne-reste de l’Europe
• Axe ferroviaire Cork – Dublin – Belfast – Stranraer
• Aéroport Malpensa
• Pont de l’Øresund
• Axe ferroviaire / routier du Triangle nordique
• Axe routier Royaume-Uni / Irlande / Benelux
• Ligne principale de la côte ouest
• Galiléo (dont un volet concerne le ferroviaire, à travers les datas issus des images satellites)
• Axe ferroviaire de fret Sines / Algeciras-Madrid-Paris
• Axe ferroviaire Paris-Strasbourg-Stuttgart-Wien-Bratislava
• Axe fluvial Rhin / Meuse-Main-Danube
• Interopérabilité ferroviaire à grande vitesse dans la péninsule ibérique
• Axe ferroviaire ceinture Fehmarn
• Autoroutes de la mer
• Axe ferroviaire Athina – Sofia – Budapest – Wien – Praha – Nürnberg / Dresde
• Axe ferroviaire Gdańsk – Warszawa – Brno / Bratislava-Wien
• Axe ferroviaire Lyon / Gênes-Bâle-Duisburg-Rotterdam / Anvers
• Axe autoroutier Gdańsk – Brno / Bratislava-Vienne
• Axe ferroviaire / routier Irlande / Royaume-Uni / Europe continentale
• Rail Baltica : Varsovie-Kaunas-Riga-Tallinn-Helsinki
• EuroCap-Rail / axe ferroviaire Bruxelles-Luxembourg-Strasbourg (appelé Axe 3 en Belgique)
• Axe ferroviaire du corridor intermodal Ionien / Adriatique
• Canal Seine-Escaut
Certains des projets prioritaires sont de très grande envergure et ont déjà été achevés, tels le lien fixe Øresund reliant la Suède et le Danemark, l’aéroport de Milan Malpensa, la ligne de la Betuwe (Betuwelijn) ou encore l’axe ferroviaire Cork-Dublin-Belfast-Stranraer en Irlande. La Belgique termine aussi sa partie sur Bruxelles-Strasbourg. Galiléo est en cours de développement et intéresse aussi le secteur ferroviaire à travers les datas et le digital.
2005 à nos jours : la concrétisation
Cette législation du RTE-T décrite précédement n’est que le début du processus. Il s’agit maintenant de passer à la concrétisation. La difficulté d’identification de ces programmes de financement européens tient à leur dispersion dans plusieurs lignes de crédits du budget de l’Union et des diverses politiques structurelles de l’Union, en particulier la politique régionale et la politique de recherche en plus de la politique de transports stricto sensu.
2006
Création de l’agence TEN-T pour diriger l’implémentation technique et financière des corridors RTE-T (TEN-T).
2010
Règlement 913/2010 relatif au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif.
2011
L’avenir de la politique européenne des transports à l’horizon 2030-2050 est esquissé dans le livre blanc intitulé « Feuille de route pour un espace européen unique des transports – Vers un système de transport compétitif et économe en ressources ». Elle prône une politique active de décarbonisation et présente une stratégie qui repose sur trois piliers : l’achèvement du marché unique des transports, la recherche et l’innovation et la mise en service d’un réseau européen de transport à développer, notamment dans le domaine ferroviaire, grâce à un financement adéquat via le futur mécanisme pour l’interconnexion en Europe.
Deux niveaux et neuf corridors
2013
En décembre, avec les règlements (UE) 1315/2013 (orientations RTE-T) et (UE) 1316/2013 (mécanisme pour l’interconnexion en Europe – MIE – voir plus bas), le réseau RTE-T a été défini à deux niveaux : un réseau global et un réseau central, avec un premier lot de 9 corridors faisant partie du réseau central.
Les neuf couloirs principaux sont identifiés comme multimodaux et ne sont donc pas exclusivement ferroviaire :on y a inclus le transport routier, ferroviaire, fluvial, maritime et aérien de passagers et de marchandises. Chacun des 9 corridors porte un nom :
• Atlantique
• Baltique – Adriatique
• Méditerranéen
• Mer du nord – Baltique
• Mer du nord – Méditerranée
• Orient – Méditerranée Est
• Rhin – Alpes
• Rhin – Danube
• Scandinavie – Méditerranée
Ce Règlement de 2013 avait en outre défini deux priorités horizontales : le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) et le concept «d’autoroutes de la mer» (désignant en fait le cabotage). La justification de seulement 9 corridors tenait à l’idée que leur la mise en œuvre devait être achevée pour 2030. Il prévoyait donc aussi le développement d’ici à 2050 du réseau global qui vise à garantir l’accessibilité et la connectivité de toutes les régions de l’UE, y compris les régions périphériques, insulaires et ultrapériphériques.
La grande révision
2021
En décembre, la Commission européenne publie un projet de révision des orientations de l’UE relatives aux RTE-T. Il s’agit de mieux aligner le RTE-T sur les nouveaux objectifs climatiques dont s’est dotée l’UE dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe (-55% d’émissions de GES en 2030 – via le plan Fit for 55 -, et neutralité carbone en 2050). Il s’agissait de fortifier les instruments de gouvernance car concernant les réseaux.
Un ping-pong institutionnel s’engage dans le cadre de la procédure législative ordinaire de l’UE, avec de fortes réticences du Conseil de l’Union européenne sur certains points jugés “clivants” du projet de révision, qualifié de “trop ambitieux” dans sa globalité et comportant des aspects “trop onéreux” comme l’obligation du gabarit P400 et l’ERTMS. Ces investissements – couplés à une gouvernance plus forte -, engagaient en effet les finances publiques de chaque État membre, et donc la politique de chacun des pays. Le transport fait partie des compétences partagées, et sur base de cela le principe de subsidiarité a été rappelé ici avec force par le Conseil de l’Union européenne en décembre 2022.
➤ Un changement majeur consiste à passer à un calendrier à trois étapes :
- réseau central (2030) ;
- réseau central étendu (nouveauté, pour 2040) ;
- réseau global (2050).
2023
Le 18 décembre, un accord politique était trouvé entre toutes les parties. Certains “équilibres” furent trouvés : la priorité opérationnelle (sillons ferroviaires garantis) réclamée par le Parlement fût abandonnée (le Conseil n’en voulait pas) ; l’obligation du P400 non plus, mais on rajoute l’obligation d’un lien ferré à tous les aéroports de plus de 12 millions de passagers par an, ainsi qu’une liste allongée jusqu’à 400 noeuds urbains, etc.
En 2024, suite aux élections de juin, une nouvelle Commission et un nouveau Parlement européen étaient mis en place. 🟧
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