Histoire et régulation • Première époque
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Le chemin de fer a une histoire de 200 ans qui s’est caractérisée par une évolution en trois époques principales :
1825 – années 1900
Développement en Europe
Apogée des réseaux
Le rail transport dominant
Années 1900 à +/- 1990
Nationalisations, autonomisation Contraction du réseau
Le rail face à d’autres transports
Époque actuelle
Reprise en main par l’État
Contrats, normes
Libéralisation
Avant le chemin de fer
À retenir :
• Un transport révolutionnaire au temps où dominaient la marche à pied et les chevaux ;
• Les progrès techniques en mécanisation qui ont abouti à la machine à vapeur.
Dans toutes les économies préindustrielles, les mauvaises liaisons de transport constituaient un obstacle majeur à la croissance économique. La fin du XVIIe et le XVIIIe siècle ont vu des améliorations majeures des systèmes de transport en Angleterre et au Pays de Galles, qui ont accompagné et facilité l’industrialisation précoce et la spécialisation régionale. Mais ce ne fut pas le cas dans toute l’Europe, loin s’en faut.
Vers 1750-1770, les sociétés d’Europe étaient encore largement ancrées dans la ruralité. La plupart des routes principales n’étaient pas adaptées au trafic à roues et ceux qui pouvaient se le permettre voyageaient principalement à cheval. Ils atteignaient rarement une vitesse moyenne de plus de 5-7 km/h et les déplacements étaient généralement limités aux heures lumineuses de la journée.
Au XVIIIe siècle, le transport du charbon sur 15 kilomètres par la route doublait généralement le prix « sortie de mine » (sortie d’usine dira-t-on aujourd’hui). En conséquence : le charbon extrait n’était utilisé que dans un rayon de 25 kilomètres d’une mine ou d’une voie navigable. Le transport du charbon par voie d’eau était en effet radicalement moins cher que par voie terrestre. Cela mettait déjà en lumière les grandes distorsions socio-économiques entre les habitants proches d’une région minière, et ceux qui en étaient très éloignés et qui ne connurent jamais le chauffage au charbon.
>>> Voir les transports avant le train
Au cours du XVIIe et du début du XVIIIe siècle, la longueur des rivières navigables a été considérablement augmentée, tandis que la seconde moitié du XVIIIe siècle a vu la construction d’un vaste réseau de canaux en quelques décennies seulement. Cela met aussi en lumière pourquoi certaines régions bénéficièrent d’un développement précoce, et d’autres pas, comme les régions montagneuses ou très accidentées.
À l’aube de l’ère du chemin de fer, la forme dominante de transport de passagers pour ceux qui pouvaient se le permettre était la diligence de ligne. Ces voitures pouvaient transporter des passagers à travers le pays à une vitesse moyenne de 10-12 km/h, y compris de nuit. Alexandre Dumas note qu’en 1828 il fallait 14 heures pour se rendre de Paris à Rouen par la diligence. Cependant, les diligences étaient beaucoup trop chères pour la majorité de la population et nous avons ici encore une énième contradiction, où voyage était synonyme de richesse.
À la fin du XVIIIème et au début du XIXème siècle, des progrès considérables sont entrepris en Angleterre pour mettre au point la machine à vapeur, laquelle à d’abord servi au pompage des eaux dans les mines. Richard Trevithick, ingénieur des mines, expérimenta cette machine sur un mobile avec sa locomotive nommée « Pen-y-Darren » qui tracta un premier train de wagonnets avec 10 tonnes de minerais. Nous sommes le 21 février 1804. Cette fois, l’avènement du train est une réalité.
>>> Voir la petite histoire de la locomotive
Développement des réseaux ferrés en Europe (1825 à +/- 1920)
À retenir :
• Une expansion fulgurante permettant l’industrialisation, et par extension le capitalisme ;
• Un grand support des États via diverses concessions et extensions du réseau ;
• Une apogée du kilométrage de lignes vers les années 1910-1920.
Les années 1825 à 1840/1850 selon les pays sont marquées par les débuts et l’expansion assez rapide du réseau. Cette ère voit les chemins de fer jouant un rôle important dans la formation d’une grande partie de l’économie et de la société européennes au cours de cette période. Le rail est clairement un transport révolutionnaire alors que dominent encore les calèches et la marche à pied.
En Grande-Bretagne, les chemins de fer et les locomotives à vapeur ont efficacement fourni une capacité de transport considérable pour le transport de charbon et de minerais de fer pour alimenter la révolution industrielle, qui s’est ensuite rapidement propagée à d’autres parties de l’Europe. Il n’est pas faux d’affirmer que le chemin de fer fut l’un des moteurs du capitalisme industriel anglais d’abord, européen ensuite. En effet, comme on l’a vu plus haut, le chemin de fer devient un outil radical permettant non seulement d’emporter beaucoup plus de charbon en une traite, mais surtout de le distribuer bien au-delà des limites de 25-30 kilomètres de l’ère préindustrielle.
>>> Voir l’histoire du rail en Grande-Bretagne
>>> Voir l’impact du rail sur l’économie et l’industrialisation
L’histoire du rail anglais est marquée par un foisonnement de projets auquel il a fallu mettre rapidement de l’ordre. Le Railway Regulation Act 1844 fut la première loi du Parlement britannique établissant une norme minimale pour le transport ferroviaire de voyageurs. Elle ordonnait déjà des services obligatoires à un prix abordable pour les personnes les plus pauvres afin de leur permettre de se déplacer pour trouver du travail dans la nouvelle ère industrielle anglaise, instrument provoquant le déclin des campagnes et de la paysannerie.
C’est à cette époque qu’est aussi entériné « l’écartement Stephenson », basé initialement sur les chariots à charbon utilisés pour transporter le charbon des mines près de Shildon jusqu’au port de Stockton-on-Tees (1.422mm). George Stephenson utilisa ensuite l’écartement de 1.435 mm (4 ft 8+1⁄2 in) pour libérer le mouvement des essieux dans les courbes sur le Liverpool and Manchester Railway.
Le succès du premier train Stockton et Darlington (S&DR) a conduit Stephenson et son fils Robert à être employés pour concevoir plusieurs autres projets ferroviaires plus importants. C’est ainsi que l’écartement de 4 ft 8+1⁄2 in (1 435 mm) se répandit et devint dominant en Grande-Bretagne, laissant sur le carreau les nombreux autres écartements utilisés. Par bonheur, comme Stephenson fut appelé à répandre son invention en dehors de l’Angleterre, en Belgique, en France, en Allemagne, c’est son écartement qui fut logiquement adopté. Il sera appelé bien plus tard « écartement standard ».
>>> Voir la petite histoire de l’écartement des rails
En France, l’arrivée du train entre Saint-Étienne et Andrézieux, ligne concédée à perpétuité et inaugurée en 1827, fut suivie par la première ligne moderne française, destinée au grand public, inaugurée en 1837 entre Paris et St Germain-en-Laye. En 1833, l’Ingénieur Alexis Legrand trace le plan national de chemin de fer qui constitua le maillage ferroviaire français. James de Rothschild et Emile Pereire figurèrent parmi ceux qui investirent dans certaines lignes du réseau. Mais celui-ci se révéla divisé en réseaux minuscules et dispersés. En 1859, à l’inspiration du duc de Morny, le réseau ferroviaire français était partagé entre six grandes compagnies (du Nord, de l’Est, de l’Ouest, du PLM, du Paris-Orléans et du Midi). Le kilométrage maximal du réseau ferré français semble avoir été atteint en 1930, avec près de 42.600 kilomètres de lignes.
>>> Voir l’histoire du rail en France
Dans une Allemagne non unifiée comme aujourd’hui, la première ligne ferroviaire allemande entre Nuremberg et Fürth fut mise en service le 7 décembre 1835 (Bayerische Ludwigsbahn). Le chemin de fer Berlin-Potsdam a suivi en tant que premier chemin de fer en Prusse, couvrant 14 km de Zehlendorf à Potsdam et se poursuivant quelques mois plus tard jusqu’à Berlin.
Le Reich allemand était fragmenté en plusieurs États-nations plus petits, chacun ayant la souveraineté sur le trafic. De plus, l’Allemagne était encore un pays agricole avec un niveau d’industrialisation en partie faible. Avant 1870, de nombreux chemins de fer publics et privés existaient côte à côte. Avec l’unification du Reich en 1871, des travaux furent menés sur une nationalisation complète du secteur ferroviaire. Pour éviter l’influence prussienne, 8 grandes administrations ferroviaires d’État furent créées : Baden, Bayern, Sachsen, Württemberg, Hessen, Elsass-Lothringen, Mecklenburg et Oldenburg.
Les compagnies de chemin de fer individuelles furent par la suite soumises à la supervision du ministère du Commerce et de l’Industrie, et à partir de 1878 par le ministère des Travaux publics. La coopération entre les administrations ferroviaires des Länder a abouti à la communauté d’exploitation des chemins de fer nationaux allemands en 1903 et à la communauté des wagons de marchandises en 1909. En 1914, le réseau ferroviaire de l’Empire allemand atteignait une longueur totale de 64.000 kilomètres.
>>> Voir l’histoire du rail en Allemagne
Les autres pays ont suivi des voies similaires. On retiendra surtout que cette période s’étalant des origines du chemin de fer jusqu’à la Grande Guerre de 1914 fut marquée par la multiplicité des projets et l’extension du réseau, qui atteignit son apogée dans la quasi-totalité des pays d’Europe début 1900. On notera que les grands pays disposaient, outre d’un chemin de fer d’État, de grandes compagnies étendues à l’aube des années 20, ainsi que de nombreux chemins de fer locaux.
Dans l’intervalle, beaucoup de compagnies ont construit des gares majestueuses, dont l’objet à l’époque était de magnifier le transport ferré.
>>> Voir évolution de l’architecture des gares voyageurs
Au fur et à mesure des progrès techniques, les locomotives à vapeur prirent de l’ampleur, pouvant tracter des charges deplus en plus lourdes. Au tournant du XXème siècle, le transport ferroviaire avait atteint son apogée avec à la fois des compagnies d’état et des compagnies privées. Un vaste réseau secondaire, souvent à voie étroite, complétait alors le “grand chemin de fer” pour la desserte fine. 🟧
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