• Le service des trains de voyageurs • La gare, son quartier et son accessibilité
La gare ferroviaire est un élément central du chemin de fer. Son essor durant la seconde moitié du XIXème siècle a nécessité la création de bâtiments imposants, situés au départ ou à l’arrivée d’une ligne principale desservant la ville, dans les limites de l’urbanisation d’alors, c’est à dire aux portes des centres-villes d’aujourd’hui. Les gares sont de nos jours des interconnexions entre les trains de voyageurs, la ville ou la commune desservie, ainsi que d’autres moyens de transports, qu’ils soient publics ou privés. Les gares peuvent aussi être des places marchandes, un morceau de quartier. Leur rôle se complexifie de nos jours avec la prise en compte de nouveaux éléments de notre société, comme les sciences-sociales, l’urbanisme et le développement durable.
Il y a des tas de façons de voir la gare, aussi nous nous contenterons de ces quelques thèmes :
Les grandes gares
• Implantation en ville ;
• Architecture d’hier ;
• Quelques gares remarquables en Europe ;
• Les nouvelles gares d’aujourd’hui ;
La gare dans son quartier
• Le quartier autour de la gare ;
• Accessibilité et transports publics ;
• Gares RER, urbaines ou périurbaines ;
Commerces et services
• Lieu de vie pour le quartier ;
• Reconfiguration d’anciennes gares ;
Les gares rurales
• Jadis, l’importance des petites gares ;
• Architecture d’hier ;
• Nouvelles petites gares d’aujourd’hui ;
À l’origine
La gare des premiers chemins de fer, « l’embarcadère » , traduit très exactement la double fonction du chemin de fer : acheminer les voyageurs, transporter les marchandises. Dans un espace relativement restreint sont réunis salles et installations pour les voyageurs et leurs; bagages, halles et quais de chargement et de déchargement pour les marchandises. L’importance du trafic escompté conditionne celle des installations : il y a loin entre le modeste abri fréquenté les jours de foire que certaines petites compagnies déficitaires offrent à leurs usagers et les grandes gares qui se construisent dans les grandes villes d’Europe, desservies par des compagnies plus importantes.
Dès que l’on s’éloignait des grandes villes, on se retrouvait le plus souvent en milieu rural où on trouvait d’autres gares, nettement plus petites. On a très peu de vue des toutes premières gares rurales. Elles furent logiquement implantées au fur et à mesure de l’avancement des lignes, mais elles étaient très sommaires. Le train ne servait encore que comme une attraction. Dès l’origine du chemin de fer, des petits arrêts furent instaurés pour alimenter les locomotives en eau. Il est problable que plus tard ces arrêts devînrent de “vraies gares”.
Outre cet aspect technique, de petites gares furent construites “en dur”, avec dans la plupart des cas des commodités très complètes : salle d’attente, toilettes, guichet. Les plus grandes d’entre elles ont une grande valeur culturelle et font partie des entités urbaines. La quasi totalité de ces gares avaient aussi une cour à marchandises desservie tous les jours. On y amenait notamment le charbon qui servait de chauffage aux habitants locaux. Tout cela est le monde du passé. La plupart de ces cours sert aujourd’hui de parking…
Dans les zones rurales, on assistait soit à un exode urbain, rendant les petites lignes et leurs gares inutiles, soit à la construction de nouveaux logements plus éloignés des gares, parfois de plusieurs kilomètres. Car entre temps, les vieilles routes à pavés avaient été modernisées avec du bitume, ce qui a accéléré l’implantation de l’automobile dans les ménages. Cette situation socio-économique a mis le chemin de fer en danger. Les protestations de toutes parts ont permis parfois de maintenir certaines gares, mais pour les plus petites, il ne reste aujourd’hui souvent que les deux quais, sans aucunes commodités. Le chemin de fer rural ou de petites bourgades devenait alors davantage un repoussoir qu’un outil de mobilité :
Beaucoup de ces petites gares ont laissé une très mauvaise image du chemin de fer et de l’État : des endroits sales et vieillot gérés par le service public alors que l’automobile, issue de l’industrie privée, se renouvelle sans cesse et présente une image permanente de modernité et de design. Ces éléments ont produit un impact considérable sur les citoyens : de moins en moins de gens prenaient le chemin de la gare.
Le renouveau
Heureusement, la croissance de la population et les limites d’une société entièrement vouée à l’automobile ont renversé les choses dès les années 90. Le train de proximité et local a pu retrouver un second souffle dans les pays où l’État a enfin permis aux autorités locales de s’occuper de leurs gares. Dans les pays centralistes, c’est encore difficile. Le paradoxe actuel se caractérise par les souhaits multiples de nombreux participants, par des demandes souvent insatisfaites venant des clients et des utilisateurs, par un parc immobilier qui ne répond plus aux exigences actuelles et par les caisses vides des entreprises publiques lorsqu’il s’agit d’investissements concrets et d’améliorations de la situation locale.
Les petites gares font dorénavant face à des demandes nouvelles pour lesquelles elles n’ont pas été adaptées. Ainsi, la reconnaissance d’autonomie en faveur de la personne handicapée a fortement progressé, ce qui signifie qu’il faut doter toutes les gares, ainsi que les trains, d’accès spécifiques pour les personnes à mobilité réduite, ce qui est souvent difficile à réaliser. D’autres demandes concernent les rampes à vélo à placer le long des escaliers pour atteindre les couloirs sous voie. D’autres encore exigent le retour de la billetterie ou même parfois des guichets. Tout cela impacte fortement sur les budgets de l’infrastructure ferroviaire, alors qu’il s’agit d’éléments essentiels de service au public.
Renouveler des petites gares ne demande pas de gros investissements, mais parfois simplement de reconstruire aux normes les deux quais, comme le montre les exemples britannique et autrichien ci-dessus.
Les grandes gares
Les grandes gares ont toujours été des pièces maîtresses des villes. Beaucoup d’entre elles avaient pour but, au XIXème siècle, de représenter la splendeur de la compagnie ferroviaire qui la construisait. Tel fut le cas par exemple de Londres-St Pancras ( Midland Railway), Paris-Nord (Compagnie des chemins de fer du Nord) ou Anvers (Grand Central Belge). Dans certaines villes comme Paris, Londres, Madrid ou Vienne, cette situation a conduit à avoir plusieurs grandes gares séparées, souvent à proximité des centres-ville qui, à l’époque, n’était pas aussi étendus qu’aujourd’hui.
Dans d’autres cas, ce sont les gouvernements qui décidèrent d’édifier de grandes gares, comme Budapest-Keleti (1868) ou plus tard Milan-Central (sous Mussolini). De nos jours, l’expansion fulgurantes des villes européennes a complètement enchassé ces gares en cul-de-sac dans l’urbanisation, de sorte qu’il n’y a souvent plus de place pour de l’expansion.
La gare marque fortement l’émergence dans la deuxième moitié du XIXe siècle, d’une métropole des techniques, d’une industrie des réseaux, d’une société de l’événement et de l’avènement, expliquent Nacima Baron et Nathalie Roseau. Les clichés ci-dessous montrent la gare du Nord à Paris (à gauche) et celle de Lehter-Bahnhof à Berlin (à droite), une gare détruite de nos jours et remplacée par la récente Hauptbahnhof.
Les grandes gares urbaines, souvent détruites par la guerre, se modernisent et furent remplacées dans les années 50-60 par une architecture plus fonctionnelle, au prix d’une certaine uniformité. C’est la grande époque de ce qu’on a appelé l’architecture de type brutaliste, dont les meilleurs exemples sont notamment Londres-Euston ou Paris-Montparnasse. Il s’agit d’un style architectural très populaire qui répète les formes géométrique simples et se caractérise par l’absence d’ornements et fait la par bel au béton brut. La gare de Liège-Guillemins (à gauche), et celle de Montparnasse (à droite), sont emblématique de ce mouvement architectural très discutable.
Mais la gare est aussi insérée dans son quartier. Au sein d’un bric-à-brac d’architecture, elle devient alors souvent un assemblage complexe d’espaces et de volumes imbriqués, couverts et bâtis ou non. La gare de Shinjuku à Tokyo, plus grande gare du monde avec près de 4 millions de visiteurs chaque jour, constitue à elle seule un ensemble d’ouvrages et d’immeubles, une mégastructure, une mosaïque de quartiers, une ville intérieure et souterraine. Ce fonctionnalisme perdura jusque dans les années 1980 avant que le TGV, en France, n’indiqua de prendre une autre voie plus orientée vers le verre et l’acier.
La conception traditionnelle des gares ne sont plus envisagées comme de simples bâtiments, mais doivent être conçues comme des territoires d’échanges entre tous les transports de la ville. C’est cette conception de la gare contemporaine qui fera le succès des architectes des gares françaises à l’étranger, à Séoul, en Chine ainsi qu’à Turin ou au Maroc. Un autre architecte de renom, l’espagnol Calatrava, mettra son talent pour la conception notamment des gares de Liège-Guillemins (photo de gauche ci-dessous), Lyon-Aéroport St Exupéry (ex-Satolas) ou encore la gare do Oriente de Lisbonne. Calatrava a aussi signé celle de Reggio Emilia AV Mediopadana, une gare “en plein champ” située sur la ligne à grande vitesse Milan-Bologne (photo à droite).
Depuis les années 90-2000, la grande gare urbaine accueille des usages qui ne sont pas spécifiquement ferroviaires, mais procèdent de son rôle d’attracteur de flux plus ou moins captifs. D’une part avec l’implatation de moyennes surfaces alimentaires au sein de la gare. Et d’autre part par l’intensification des activités et des mobilités dans les quartiers de gares engendre une offre intermodale dense, qui en retour déclenche une attractivité parfois importante de la gare elle-même.
Transformations
Et puis il y a le patrimoine. Les chemins de fer sont des propriétaires fonciers importants et disposent d’un patrimoine immobilier parmi les plus imposants du pays. Mais que faire de tout cet héritage ? Dans certains cas, le maintien des petites gares avec toutes leurs fonctions de jadis n’était plus aux normes sociétales actuelles, même si il y a débats autour du maintien ou non des guichets et du personnel. Dans de plus en plus de cas, les bâtiments encore présents ont été parfois vendus à des particuliers ou des communes, lesquels les ont transformé pour d’autres fonctions. Cela va du traditionnel restaurant branché à la bibliothèque communale, en passant par l’atelier de réparation vélo ou du local d’animation pour une petite bourgade. Ces ventes permettent ainsi de donner vie à des villages ou bourgades qui tournaient le dos à leur quartier de gare. 🟧
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